300, Cathy et Babélio

Le 28 mai 2019, mon compteur affichait la publication de 100 chroniques fabuleuses, il a atteint 200 le 7 juin 2021, et aujourd’hui, c’est toujours aussi fabuleux, j’arrive à 300 et ma modestie habituelle souffre de réaliser un tel exploit, sans filet ni assurance ni dopage.
On May 28, 2019, my counter showed the publication of 100 fabulous chronicles, it reached 200 on June 7, 2021, and today, it’s still as fabulous, I reach 300 and my usual modesty suffers from achieving such a feat, without net or insurance or doping.

« Babélio » est un regroupement de lecteurs, chacun y présente les livres qu’il souhaite partager… Je me décide enfin à m’inscrire, jusqu’à présent j’ai été seulement lectrice des autres…
Malheureusement pour les anglophones, le livre dont je vous parle n’est pas traduit en anglais.
« Babélio » is a group of readers, everyone presents the books they want to share… I finally decide to register, so far I have only been reading others…
Unfortunately for English speakers, the book I am talking about is not translated into English.

Et voilà ce que j’ai écrit
à propos de « Têtes Hautes » de Cathy Ytak,
collection Les Héroïques,
éditeur Talents Hauts.

And this is what I wrote
about « Têtes Hautes » from Cathy Ytak,
collection Les Héroïques,
editor Talents Hauts.

Cathy, il y a longtemps ! — Cathy, a long time ago!

Cathy, chère amie
Comment les lecteurs vont-ils le prendre ?
Voilà que je me décide enfin à rejoindre Babélio, et comme première contribution je propose de t’adresser cette lettre, une façon peu conventionnelle de participer. Mais comme j’ai le privilège d’être ton amie, comme nous partageons de nombreuses idées, c’est une trop belle occasion de parler de toi (et avec toi ?).
Cathy, dear friend
How will readers take it?
Now I finally decide to join Babélio, and as a first contribution I propose to send you this letter, an unconventional way to participate. But as I have the privilege of being your friend, as we share many ideas, it’s too good an opportunity to talk about you (and with you?).

Il faut dire que je viens de dévorer « Têtes Hautes ». J’ai lu beaucoup de tes livres – souvent des histoires de jeunes blessés par la vie. Dans Têtes Hautes, tu racontes en plus un événement historique dont on ne m’a pas parlé à l’école, et pourtant si mes sources sont bonnes il s’agit de la première grève menée par des femmes, et qui ont obtenu gain de cause. Tu évoques donc deux jeunes penn sardin, ouvrières qui travaillent dans les sardineries de Douarnenez. En 1924, pas de bateaux équipés, pas le moindre réfrigérateur, quand le bateau entre au port les femmes doivent être prêtes à préparer les poissons. L’aspect historique de ton roman est très bien documenté, depuis le terrible quotidien de ces ouvrières jusqu’à l’enclenchement du mouvement, son déroulement, ses difficultés, et les manœuvres criminelles des patrons.
I must say that I just devoured « Têtes Hautes ». I have read many of your books – often stories of young people hurt by life. In Têtes Hautes, you also recount a historical event that I was not told about at school, and yet if my sources are correct, it is the first strike led by women, and who won cause. So you are talking about two young penn sardin, workers who work in the sardine factories of Douarnenez. In 1924, no equipped boats, not the slightest refrigerator, when the boat entered port the women had to be ready to prepare the fish. The historical aspect of your novel is very well documented, from the terrible daily life of these workers to the start of the movement, its progress, its difficulties, and the criminal maneuvers of the bosses.

Mais l’une des deux ouvrières est embauchée à Paris comme bonne à tout faire, chez Carol et Suzanne que tu nous fais connaître. Ces deux jeunes adultes n’ont pas l’existence dorée que leur fortune permettrait d’imaginer, chacune ayant ses propres tourments. Bravo pour le malentendu qui s’installe entre les deux jeunes Bretonnes, Yarig étant persuadée que sa sœur mène à Paris une existence bien plus facile, alors que Angèle affronte mille difficultés. Là aussi tu décris une réalité historique, les conditions sordides de travail des bonnes à tout faire, et le mépris dont elles sont victimes, pensez donc, ces paysannes qui puent le poisson ! Auxquelles on ne verse aucun salaire sous des prétextes, alors qu’elles ont un horaire de travail infernal.
But one of the two workers is hired in Paris as a housekeeper, with Carol and Suzanne, whom you introduce to us. These two young adults do not have the golden existence that their fortune would allow them to imagine, each having their own torments. Bravo for the misunderstanding that develops between the two young Bretons, Yarig being convinced that her sister leads a much easier existence in Paris, while Angèle faces a thousand difficulties. Here too you describe a historical reality, the sordid working conditions of the maids, and the contempt of which they are victims, think of these peasant women who stink of fish! To whom no salary is paid under pretexts, while they have a hellish work schedule.

Dans tes livres, tu parles souvent de sexe, même si je préfèrerais dire « amour ». Mais voilà, les personnages de tes romans ont souvent des problèmes, cela peut être celui de l’identité sexuelle : quel qu’il soit, tu en parles de façon directe et j’apprécie beaucoup cette absence de pudibonderie. Cela me rappelle ton intervention au salon du livre de Saint-Paul-trois-Châteaux : tu avais parlé de « Rien que ta Peau », une histoire d’amour entre deux adolescents qui, eux, n’ont pas de problème d’identité sexuelle. Louvine a des difficultés dans un autre domaine. On ne sait pas trop quel est son handicap, et j’apprécie aussi que tu ne l’aies pas précisé, une étiquette devient vite une aliénation supplémentaire pour les personnes différentes.
In your books, you often talk about sex, although I would prefer to say « love ». But now, the characters in your novels often have problems, it can be that of sexual identity: whatever it is, you talk about it in a direct way and I very much appreciate this lack of prudishness. It reminds me of your talk at the Saint-Paul-trois-Châteaux book fair: you talked about « Rien que ta Peau », a love story between two teenagers who have no gender identity issue. Louvine has difficulties in another area. We don’t really know what her handicap is, and I also appreciate that you didn’t specify it, a label quickly becomes an additional alienation for different people.

Tu nous avais lu le début de « Rien que ta Peau », de ta voix tranquille, dans l’espace aménagé pour les rencontres entre les auteurs et le public, et l’on entendait le brouhaha du salon tout autour. Et tu nous avais fait partager l’intimité de Mathis et Louvine, j’en garde une impression extraordinaire : contraste entre l’ambiance festive d’un côté, un peu bruyante, et les deux amants enlacés au cœur de la nuit, de l’autre.
You had read to us the beginning of « Rien que ta Peau », in your quiet voice, in the space set up for meetings between the authors and the public, and we could hear the hubbub of the book fair all around. And you had shared with us the intimacy of Mathis and Louvine, I have an extraordinary impression of it: contrast between the festive atmosphere on one side, a little noisy, and the two lovers entwined in the heart of the night, on the other.

Dans « Têtes Hautes », tu abordes le problème de Carol de la même façon directe, par petites touches, jusqu’au dialogue avec sa mère qui éclaire les lecteurs. Tu le sais : les idées que tu défends dans ce livre sont une de mes raisons de te lire. Condition féminine, condition ouvrière, particularité sexuelle, ton discours est clair et ça fait du bien. Mais, alors qu’on n’est pas loin de la sociologie, c’est un roman que tu écris, pas un essai, et les messages passent d’autant mieux et pour un plus large public. Ce livre est destiné à des adolescents, c’est vraiment une bonne chose de leur offrir de ces lectures-là ! Moi j’ai passé l’âge et depuis très longtemps, mais, ne le dis à personne, je continue à me régaler avec la littérature pour la jeunesse.
In « Têtes Hautes », you approach Carol’s problem in the same direct way, in small touches, until the dialogue with her mother which enlightens the readers. You know it: the ideas you defend in this book are one of my reasons for reading you. Female condition, working condition, sexual particularity, your speech is clear and it feels good. But, while we are not far from sociology, it is a novel that you are writing, not an essay, and the messages pass all the better and for a wider audience. This book is intended for teenagers, it is really a good thing to offer them these readings! I have passed the age and for a very long time, but, do not tell anyone, I continue to enjoy myself with children’s literature.

J’ai remarqué que les éditions « Talents Hauts » offrent un catalogue de bonne tenue pour le public adolescent. Ce qui me pousse à parler du rôle de l’écrivain : quand j’avais lu « Cinquante minutes avec toi », une histoire de maltraitance, je t’avais dit que ce livre dérange, et c’était un compliment. Tu m’avais répondu : « Je pense que c’est le rôle de quelqu’un qui écrit que de bousculer un peu ses lecteurs, de les déranger, de faire naître une réflexion. Si je peux le faire, à mon petit niveau, c’est bien (…). Si mon livre peut libérer quelques ados enfermés dans des histoires similaires (et il y en a toujours, malheureusement), je serai vraiment contente. »
I noticed that the « Talents Hauts » editions offer a catalog of good performance for the adolescent public. Which prompts me to talk about the role of the writer: when I read « Cinquante minutes avec toi », a story of abuse, I told you that this book disturbs, and that was a compliment. You answered me: « I think it’s the role of someone who writes to jostle their readers a little, to disturb them, to make them think. If I can do it, at my small level, that’s good (…). If my book can free up a few teens locked into similar stories (and there always are, unfortunately), I’d be really happy. »

Ces quelques mots suffisent sans doute pour préciser comment toi et moi nous voyons le rôle de l’écrivain.
Alors non, je ne vais pas faire une analyse de ton style (qui me plaît beaucoup), de la construction de ton roman, (super bien structuré), je veux simplement te remercier d’avoir écrit « Têtes Hautes », dont je parle autour de moi, un bien bel ouvrage. Je te remercie aussi de me faire découvrir les éditions « Talents Hauts » dont les titres sont alléchants !
These few words are probably enough to clarify how you and I see the role of the writer.
So no, I’m not going to do an analysis of your style (which I really like), the construction of your novel, (super well structured), I just want to thank you for writing « Têtes Hautes », which I’m talking about around me, a very beautiful work. I also thank you for introducing me to the « Hauts Talents » editions whose titles are enticing!

Une Penn Sardin de Carl Moser

Avant de te quitter, je ne résiste pas au plaisir de te citer quelques mots de Gabriel Celaya, un texte connu surtout par l’interprétation qu’en a faite Paco Ibañez, « la poésie est une arme chargée de futur » (traduction à ma façon).

« Je maudis la poésie conçue comme un luxe
Culturel pour les neutres
(…)
Je maudis la poésie de ceux qui ne prennent pas parti jusqu’à se compromettre. »
Before leaving you, I can’t resist the pleasure of quoting you a few words from Gabriel Celaya, a text best known for Paco Ibañez’s interpretation of it, « Poetry is a weapon charged with the future » (translation to my way).

« I curse poetry conceived as a luxury
Cultural for neutrals
(…)
I curse the poetry of those who do not take sides to the point of compromising themselves. »

Copie d’écran d’une interview publiée par Babélio
Screenshot of an interview published by Babélio

2 réflexions sur « 300, Cathy et Babélio »

  1. La chanson des Penn Sardines est une pépite qui revient TRES souvent dans la bouche – et le coeur – de la chorale révolutionnaire Contre Chants, laquelle se réunit régulièrement. près de la Tour du Pin.

    • Une amie mayennaise (la Mayenne, le plus à l’est des départements bretons) s’amuse d’entendre chanter les Penn Sardin dans les manifs à Lyon, comme si c’était une nouveauté, alors qu’elle l’a entendue en Bretagne et depuis des années.
      Bravo à Contre Chants, on a bien besoin de chorale révolutionnaire, ça fait chaud au coeur !

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