Homines quod volunt credunt

Col des Aravis — Aravis pass

À cause de l’actualité brûlante, les médias ont fort à faire, assurés d’avoir à traiter des sujets inépuisables. Il se dit que toutes les vingt minutes a lieu un refus d’obtempérer. Si les policers tiraient à chaque fois, cela ferait trois morts par minute, 72 par jour. Nous atteindrions au bout d’une année un total de 26 280 victimes de tirs d’armes à feu. Quelqu’un connaît-il une ville qui compte 26 280 habitants? Elle serait tout simplement rayée de la planète.
Because of the burning news, the media have a lot to do, guaranteed to have to deal with inexhaustible subjects. One says that every twenty minutes there is a refusal to comply. If the police fired every time, they would kill three people a minute, 72 a day. We would reach at the end of a year a total of 26,280 victims of shootings of firearms. Does anyone know a city with 26,280 inhabitants? It would simply be wiped off the planet.

Quel mauvais goût, quel cynisme allez-vous dire! Mais j’ai appris aussi que depuis 2017, cynisme là aussi, les représentants de l’ordre ne sont plus comme les citoyens ordinaires, ils ont ce que, moi, j’appelle le permis de tuer. James Bond 007 en quelque sorte. Sauf que dans un film bourré d’exploits impossibles, on peut avoir du recul et rire de ces histoires inventées. Dans la vraie vie, la mort c’est aussi la vraie mort.
Crazy idea! What cynicism are you going to say! But I also learned that since 2017, cynicism there too, law enforcement officials are no longer like ordinary citizens, they have what I call the license to kill. James Bond 007 in a way. Except that in a film full of impossible exploits, we can step back and laugh at these invented stories. In real life, death is also real death.

Il y a très longtemps que j’ai vu le film de Buñuel, « los olvidados » – « les oubliés ». Pourtant ce terrible récit me revient en mémoire à cause de l’actualité : parmi d’innombrables autres œuvres d’art, dans les livres et au cinéma en particulier, « Los olvidados » rappelle la nature fondamentalement bonne des enfants. Et que si l’on cherche à valoriser les jeunes, à leur faire confiance, on obtient d’eux le meilleur. Les œuvres d’art ne manquent pas non plus pour rappeler qu’au contraire, violence et répression génèrent la violence. J’ai pu vérifier ces évidences pendant mon parcours d’enseignante, en particulier lorsque j’ai eu comme élève une fillette de trois ans que la vie avait brisée : j’ai assisté à son long retour parmi nous grâce à ses camarades bienveillants.
It’s been a very long time since I saw Buñuel’s film, « los olvidados » – « the forgotten ones ». Yet this terrible tale comes back to me because of current events: among countless other works of art, in books and in cinema in particular, « Los olvidados » recalls the fundamentally good nature of children. And that if we try to value young people, to trust them, we get the best from them. Works of art are not lacking either to remind us that, on the contrary, violence and repression generate violence. I was able to verify these obvious facts during my teaching career, in particular when I had as a pupil a three-year-old girl who had been shattered by life: I witnessed her long return among us thanks to her caring comrades.

De nombreux jeunes sont destructeurs, que ce soit d’eux-mêmes ou des vitrines des magasins, parmi tant d’autres dégradations. Mais il est fort rare d’entendre un discours capable de faire la part des choses. Faut-il se contenter d’énoncer les faits ? Stalisnas Tomkiewicz, juif né à Varsovie en 1925, ayant survécu au ghetto et au camp de Bergen-Belsen, a consacré sa vie de psychiatre à aider du plus fort qu’il a pu les jeunes, y compris les délinquants, surtout les délinquants, et il a toujours dénoncé la violence institutionnelle.
Many young people are destructive, whether of themselves or of shop windows, among many other degradations. But it is very rare to hear a speech capable of making sense of things. Should we just state the facts? Stalisnas Tomkiewicz, a Jew born in Warsaw in 1925, having survived the ghetto and the Bergen-Belsen camp, devoted his life as a psychiatrist to helping young people as much as possible, including delinquents, especially delinquents, and he has always denounced institutional violence.

La violence institutionnelle, voilà ce dont on parle peu. Notre société donne une image de la réussite : ce sont ceux qui ont un bon salaire dont ils tirent tout leur bonheur par la consommation de biens ou de loisirs. Image qui incite au pillage des ressources naturelles et favorise la pollution, image qui ne devrait plus être, si on a vraiment pris conscience des problèmes écologiques. Et si certains citoyens réussissent selon ce diktat, cette situation n’est réservée qu’à une minorité. La réforme des retraites est une autre violence selon mon ressenti. La précarité, les salaires trop bas, toutes ces circonstances qui rendent la vie difficile et font peu à peu désespérer, en voilà, des violences. Je n’excuse ni n’approuve les émeutiers, mais je peux les comprendre en partie.
Institutional violence, this is what is rarely talked about. Our society gives an image of success: it is those who have a good salary from which they derive all their happiness through the consumption of goods or leisure. Image that encourages the looting of natural resources and promotes pollution, an image that should no longer be, if we have really become aware of ecological problems. And if some citizens succeed according to this diktat, this situation is reserved only for a minority. The pension reform is another violence according to my feelings. Precariousness, low wages, all these circumstances that make life difficult and gradually cause despair, there you have it, violence. I don’t excuse or condone the rioters, but I can partially understand them.

S’il n’y avait « que » la mort de Nahel, déjà gravissime, je pense que les émeutes seraient un peu plus difficiles à expliquer. Mais la justice n’est pas la même pour tous, cela se sait. Une partie de la population se sent méprisée, promise à un triste avenir, à un travail sans intérêt… ou au chômage. La réforme des retraites n’a rien arrangé. Les inquiétudes pour l’avenir passent par toutes les couleurs des nuages de pollution. Je ressens en permanence comme un poids, celui de la richesse arrogante, sourde et aveugle, celui du mépris dans lequel nous sommes tenus, nous, je ne sais qui : « les petites gens » ?
If it were « only » the already serious death of Nahel, I think the riots would be a little harder to explain. But justice is not the same for everyone, that is well known. A part of the population feels despised, promised a sad future, a job without interest… or unemployment. The pension reform has not helped. Concerns for the future pass through all the colors of the clouds of pollution. I constantly feel like a weight, that of arrogant, deaf and blind wealth, that of the contempt in which we are held, we, I don’t know who: « the little people »?

Relever la tête, c’est retrouver sa dignité, et, malheureusement, les chemins pour la retrouver étant rares, la violence semble le seul choix possible.
Je n’approuve pas la violence, mais jusqu’à un certain point, je comprends celle des émeutiers (mais détruire des écoles ou des bibliothèques, des commerces de quartier… c’est n’importe quoi). Quant à celle des policiers, ils obéissent aux ordres de personnes que je qualifiais récemment d’autistes ou de psychopathes.
To raise your head is to regain one’s dignity, and, unfortunately, the paths to find it being rare, violence seems the only possible choice.
I don’t approve of violence, but up to a point I understand that of rioters (but destroying schools or libraries, neighborhood businesses… that’s nonsense).

As for the police, they obey the orders of people I recently described as autistic or psychopathic.

Col des Aravis — Aravis pass

Paul me signale deux textes qui vont bien dans le sens de mes propos (seulement pour lecteurs francophones, les anglophones peuvent bien sûr utiliser un traducteur automatique) : sur le blog de Floreal, « choses vues de ma fenêtre », il est témoin de l’attitude provocatrice des policiers. « Dans ces deux histoires, il n’y a pas eu mort d’homme, comme on dit, mais voilà simplement comment s’autorisent à se comporter de vaillants gardiens des valeurs républicaines. Des anecdotes de ce genre, il y en a à la pelle, sans que rien ne puisse être fait contre cela. Pour déranger la police des polices, il faut que ça dérape. Le mépris et le comportement odieux ordinaire, c’est d’un banal. »
Paul points out to me two texts that go well in the direction of my remarks (only for French-speaking readers, English-speakers can of course use an automatic translator): on the blog of Floreal, « things seen from my window », he witnesses the provocative attitude of the police. « In these two stories, there was no death, as they say, but this is simply how valiant guardians of Republican values allow themselves to behave. Anecdotes of this kind, there are a shovel, and nothing can be done against it. To disturb the font of fonts, things have to go wrong. Ordinary contempt and obnoxious behavior is commonplace. »
LIEN – LINK
choses vues de ma fenêtre
https://florealanar.wordpress.com/2023/07/03/choses-vues-de-ma-fenetre/

Sur le blog de l’OCL (Organisation Communiste Libertaire), j’ai l’immense plaisir d’avoir des nouvelles de Serge, gravement blessé « à la manifestation contre la mégabassine de Sainte Soline du 25 mars 2023 ». J’en avais parlé là dans « mensonges » :
https://www.pasassezdetemps.com/?p=12978
Serge évoque sa lutte qui va être longue pour guérir de ses blessures. « Je le fais évidemment pour moi, mais aussi parce que je pense que refuser d’abdiquer, refuser d’être écrasé par la machine répressive est une nécessité politique, à l’heure où les Etats font le pari de la terreur et de notre passivité. »
Serge nous dit de plus qu’aucune des exactions commises par la police ne doit être passée sous silence.
On the blog of the OCL (Organisation Communiste Libertaire – Libertarian Communist Organization), I have the great pleasure of hearing from Serge, seriously injured « at the demonstration against the mega-basin of Sainte Soline on March 25, 2023. » I talked about it there in « lies »:
https://www.notenoughtime.com/?p=12978
Serge talks about his long struggle to heal from his injuries. « I do it obviously for me, but also because I think that refusing to abdicate, refusing to be crushed by the repressive machine is a political necessity, at a time when States are betting on terror and our passivity. »
Serge also tells us that none of the abuses committed by the police should be passed over in silence.
LIEN – LINK
https://oclibertaire.lautre.net/spip.php?article3831

Je me demande si je ferais mieux de raconter les chants d’oiseau au lever et à la fin du jour, les floraisons du jardin et les récoltes, la lutte contre les « cacopsylla pulchella » (cette année, j’ai gagné !) et un nouveau venu, un rat énorme et familier. Je risque de vous fatiguer à ressasser les événements dont tout le monde parle – manque d’originalité !
I wonder if I would do better to recount the birdsong at dawn and at dusk, the garden blossoms and the harvests, the fight against the « cacopsylla pulchella » (this year I won!) and a newcomer, a huge and familiar rat. I might wear you out rehashing the events everyone is talking about – lack of originality!

C’était mon billet de mauvaise humeur presque habituel. Comme presque tout le monde je suppose, je suis sensible aux événements, mais je ne peux pas m’arrêter à la vision simpliste des médias.
J’aurais préféré vous conter plus en détail le col des Aravis, l’explosion des fleurs dans les alpages, et la beauté des paysages. Alors je reprends le fil de nos cheminements.
It was my almost usual bad-tempered post. Like almost everyone I suppose, I am sensitive to events, but I can’t stop at the simplistic view of the media.
I would have preferred to tell you in more detail about the Col des Aravis, the explosion of flowers in the mountain pastures, and the beauty of the landscapes. So I resume the thread of our journeys.

Après avoir dépassé le col des Aravis, nous atteignons enfin « la Tête » avant de nous diriger vers notre but, le Chalet du Curé.
After passing the Col des Aravis, we finally reach « la Tête » before heading towards our goal, the Chalet du Curé.

Virages depuis la Giettaz
Bends from La Giettaz

Nous avons bien fait de ne pas choisir cet itinéraire. Difficile à voir sur cette photo, un sentier traverse le pierrier au pied des névés, le long d’une longue pente vertigineuse. Ensuite, un couloir d’apparence plus confortable permet d’arriver en haut de cette croupe verte, là où il y a des sapins. Une pente raide rejoint le Chalet du Curé, où nous avons trouvé une grosse pierre pour nous asseoir et manger.
We did well not to choose this route. Difficult to see in this photo, a path crosses the scree at the foot of the snowfields, along a long vertiginous slope. Then, a more comfortable-looking corridor leads to the top of this green ridge, where there are fir trees. A steep slope joins the Chalet du Curé, where we found a large stone to sit and eat.

Autres vues sur le passage difficile et le pierrier
Other views of the difficult passage and the scree

Le séjour en Savoie nous aide à garder notre distance sur les événements actuels, comme si plusieurs mondes se côtoyaient sans se rejoindre. Nous avons les pieds d’un côté et les yeux de l’autre. Espérant de toutes nos forces un avenir meilleur.
The stay in Savoie helps us to keep our distance from current events, as if several worlds rubbed shoulders without meeting. We have the feet on one side and the eyes on the other. Hoping with all our might for a better future.

2 réflexions sur « Homines quod volunt credunt »

  1. 100% d’accord sur ce que tu dis à propos de l’actualité, du permis de tuer, de l’usage antirépublicain des forces de l’ordre par le pouvoir. Merci.

    • Merci à toi pour cette approbation qui me va droit au coeur. Tu sais, je me suis censurée en rédigeant cette page, et je pense que nous avons bien la même façon de voir les choses. Dans cette chronique, je donne l’adresse du blog de FLoreal, lui est originaire d’Espagne. Il déplore les destructions de bibliothèques, « perpétrées » plutôt par des fascistes…
      Si tu ne connais pas son blog, je t’invite à le découvrir, tu partages certainement la plupart des idées qu’il défend.

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