Mai(s) encore

Je viens vous parler encore de confinement alors que les mesures ont changé après huit semaines : ce petit texte devait être publié mardi dernier, rappelez-vous. Et puis… sommes-nous réellement sortis de l’isolement imposé depuis le 17 mars ?
I come to talk to you again about confinement when the measures have changed after eight weeks: this little text was to be published last Tuesday, remember. And then … have we really come out of the isolation imposed since March 17?

 



Je ne résiste pas au plaisir de publier encore des photos de madame Saskatoon, la chatte grise,  plongée dans des rêves, modèle de non-stress.
I can’t resist the pleasure of still publishing photos of Mrs. Saskatoon, the gray cat, immersed in dreams, model of non-stress.

Je le disais mardi dernier : il ne nous manque que ce qui manque à (presque ?) tout le monde, plus de lien social.
I said it last Tuesday: we are missing only what (almost?) everyone is lacking, more social ties.

Comme toutes les espèces nous avons besoin de respirer, boire, manger, éliminer, dormir… sans quoi nous aurions bientôt fini de vivre. D’autres besoins presque aussi intenses peuvent attendre un peu plus, mais pas indéfiniment. J’aime plus que tout confronter mes opinions avec celles de quelqu’un qui n’est pas du tout ou pas entièrement d’accord : l’exercice peut être difficile, mais quel défi alors que d’approfondir nos idées, peser celles des autres, faire évoluer nos convictions aussi… Que valent mes idées si elles ne sont pas étayées ?
Like all species, we need to breathe, drink, eat, eliminate, sleep… without which we would soon have finished living. Other almost as intense needs can wait a little longer, but not indefinitely. More than anything, I like to compare my opinions with those of someone who is not at all or not entirely in agreement: the exercise can be difficult, but what a challenge while deepening our ideas, weighing those others, to change our convictions too … What are my ideas worth if they are not supported?

Les relations nous permettent aussi de vivre notre affectivité, nos émotions, et aussi de développer l’estime, de l’autre, comme de soi-même en écho à celle qui nous est témoignée. Connaître les autres, se connaître soi-même… Relativiser nos expériences par comparaison avec celles des autres.
Relationships also allow us to live our affectivity, our emotions, and also to develop esteem, of the other, as of ourselves, in echo of that which is shown to us. Knowing others, knowing yourself … Relativize our experiences by comparison with those of others.

Les relations ne sont-elles pas comme un aller-retour permanent de balles de tennis ? Et je ne parle pas d’un repas convivial entre proches, famille, amis…
Aren’t relationships like a permanent round trip of tennis balls? And I’m not talking about a convivial meal with loved ones, family, friends …

Nous sommes des animaux de meute.
We are pack animals.

Le confinement nous prive d’une part de notre humanité.
Confinement deprives us of part of our humanity.

Il y a quelque chose de monstrueux dans la distanciation obligatoire, cette attitude de recul, cette impossibilité de toucher l’autre personne. La poignée de main, les embrassades, l’échange de baisers nous parlent un langage que nous comprenons intuitivement, au-delà de la conscience. Changer cette attitude est très inconfortable.
There is something monstrous about the obligatory distancing, this attitude of hindsight, this impossibility of touching the other person. The handshake, the hugs, the exchange of kisses speak to us a language that we understand intuitively, beyond consciousness. Changing this attitude is very uncomfortable.

Certes, les Asiatiques ne se touchent pas pour saluer, ils s’inclinent en joignant les mains. Loin de moi l’idée de les critiquer ! Il s’agit d’une autre culture et ce n’est pas pour cause de pandémie qu’ils ont pour habitude d’éviter le contact.
Sure, Asians do not touch to greet, they bow while clasping their hands. Far be it from me to criticize them! This is another culture and it’s not because of a pandemic that they tend to avoid contact.

Cette distanciation m’est extrêmement désagréable, et me pousse étrangement à détourner les yeux, alors que j’ai toujours apprécié les regards directs.
This distancing is extremely unpleasant to me, and strangely pushes me to look away, while I have always appreciated direct looks.

Ma colère est grande, et mon inquiétude, quand j’apprends comment une femme s’est vu interdire le fait d’installer son ampli à son balcon pour faire écouter de la musique au voisinage : elle ne mettait personne en danger, ne dérangeait pas le quartier. Il ne s’agit plus de mesure sanitaire mais de dictature.
My anger is great, and my concern, when I learn how a woman was prohibited from installing her amplifier on her balcony to listen to music in the vicinity: she did not endanger anyone, did not bother the neighborhood. It is no longer a health measure but a dictatorship.

Dans les domaines de la psychiatrie et de la psychologie, le confinement va finir par faire plus de dégâts que le Covid-19.
In the sphere of psychiatry and psychology, confinement will end up doing more damage than the Covid-19.

C’est « Science et Vie » qui l’écrit, rappelant aussi qu’« en temps normal, environ 1670 personnes meurent chaque jour en France toutes causes confondues » :
« Deux études canadiennes montrent aussi que le fait d’avoir été en quarantaine déclenche par la suite des comportements d’évitement des foules ou des endroits publics. »
« Science et Vie » writes this, also recalling that « in normal times, around 1670 people die every day in France from all causes »:
« Two Canadian researches also show that being quarantined subsequently triggers avoidance behavior from crowds or public places. »

Le Petit Journal écrit ceci :
« Ce contexte [NDLC le confinement] peut générer une forte charge émotionnelle parfois difficile à contrôler, qui peut se manifester par : de la fatigue émotionnelle, des troubles du sommeil, une préoccupation permanente concernant l’avenir, la peur des autres, une altération du jugement, des troubles de l’humeur, une tendance à l’hypocondrie…
(…) L’expatriation en rajoute une couche. »
Le Petit Journal writes this: « This context [editor’s note: confinement] can generate a strong emotional charge that is sometimes difficult to control, which can manifest itself in: emotional fatigue, sleep disturbances, a permanent concern for the future, fear of others, impairment judgment, mood disorders, a tendency to hypochondria…
(…) Expatriation adds a layer. »

Au moins, être confinés à quatre plutôt qu’à deux ou, pire, d’être tout seul, c’est vraiment appréciable.
At least being confined to four rather than two or, worse, being alone, is really nice.

Je l’ai déjà dit, chacun a son mode de vie. Gaëlle préparait ses examens, Paul et moi avons repris le rythme habituels des activités printanières. Pour Séb, il fallait partir sur de nouveaux projets.
Alors il travaille le bois…
As I said before, everyone has their own way of life. Gaëlle was preparing for her exams, Paul and I have resumed the usual rhythm of spring activities. Séb had to start on new projects.
So he works with wood…


 

UN PARALLÈLE INTÉRESSANT
AN INTERESTING PARALLEL

Je viens de lire « L’Enfantement de la paix », édité en 1926. Je ne peux évoquer la « Grande Guerre » sans penser aux « mutins de 1917 » où Debronckart dénonce l’absurdité, l’horreur de la guerre, les gradés envoyant les hommes à la mort « juste pour corser le communiqué », dans l’idée aussi d’y gagner du galon. (Les paroles sont ici, la chanson là.)
L’auteur du livre, Henri Poulaille, créateur du courant de la littérature prolétarienne, évoque la situation des Poilus, ces héros, qui, rendus à la vie civile, ont le plus grand mal à retrouver un travail.
Ils ont sauvé la France, et la France ne le leur a pas rendu. Le premier mai 1919, un jeune homme est tué par la police, un autre, grièvement blessé, décédera quelques jours plus tard.

I have just read « L’Enfantement de la paix », published in 1926. I cannot talk about the « Grande Guerre » without thinking of the « mutins de 1917 — mutineers of 1917 » in which Debronckart denounces the absurdity, the horror of war, the officers sending men to death « just to make the press release », in the idea also to gain stripe. (The lyrics are here, the song there.)
The author, Henri Poulaille, creator of the current of proletarian literature, evokes the situation of the Poilus (Hairy — fighters of the first world war), these heroes, who, returned to civilian life, have the greatest difficulty in finding a job.
They saved France, and France did not give it back to them. On May 1, 1919, a young man was killed by the police, another, seriously injured, died a few days later.

Les héros d’aujourd’hui, les soignants, vont-il retrouver les conditions de travail qui les ont fait descendre dans la rue les mois derniers, coups de matraque à la clé ? À la place des gradés, nos dirigeants continueront-ils à fanfaronner et à s’enrichir ? Ils en rêvent, c’est certain, leur comportement d’autistes ou de psychopathes n’a pas changé…
Will today’s heroes, the caregivers, find the working conditions that made them take to the streets in the last few months, accompanied by baton blows ? Instead of the officers, will our leaders continue to boast and get rich? They dream of it, for sure, their behavior as autistic or psychopathic has not changed …

L’histoire se répète… Que répétera-t-elle cette fois ? « Si nous ne rêvons pas que le monde va changer, le monde ne changera pas » a dit Serge Utgé-Royo.
History repeats itself … What will it repeat this time? « If we do not dream that the world will change, the world will not change » Serge Utgé-Royo said.

MA COLÈRE DE LA SEMAINE
MY ANGER OF THE WEEK

Bien sûr, je ne vais pas me priver d’un minimum de mots de colère.
Of course, I will not deprive myself of a minimum of angry words.

Clément Viktorovitch, analysant le discours du premier ministre à l’assemblée, note que celui-ci commence par empoisonner le puits : il s’agit d’une tactique destinée à discréditer l’adversaire. Après cela, ayant balayé tout discours d’opposition, le ministre y va de sa déclaration. Il ne s’agit pas d’information, je déteste la malhonnêteté de cette façon d’agir. Clément Viktorovitch est un spécialiste de la rhétorique en politique, je m’intéresse à ses commentaires pertinents. Il souhaite aider à renouer le dialogue entre les citoyens et le monde politique – bon courage !
Clement Viktorovitch, analyzing the Prime Minister’s speech at the assembly, notes that he begins by poisoning the well: it is a tactic intended to discredit the adversary. After that, having swept away all opposition speeches, the minister makes his statement. This is not information, I hate this dishonest way of doing things. Clément Viktorovitch is a specialist in rhetoric in politics, I am interested in his relevant comments. He wants to help to reconnect the dialogue between citizens and the political world – good luck!

Dans le livre de Henri Poulaille évoqué plus haut, j’ai découvert ce qui s’est passé le premier mai 1919, et grâce au nom du jeune homme tué par la police, Charles Lorne, j’ai trouvé « Fourmies et les premier mai » dont de larges extraits sont accessibles sur le web. À l’origine de ce dernier ouvrage, si j’ai bien compris, un colloque dans lequel l’historienne Madeleine Rebérioux a tenu un rôle important. Le livre est publié sous sa direction. De nos jours, on célèbre la fête du travail, occultant les manifestations destinées à obtenir la journée de huit heures.
In Henri Poulaille’s book mentioned above, I discovered what happened on May 1, 1919, and thanks to the name of the young man killed by the police, Charles Lorne, I found « Fourmies et les premier mai » of which large extracts are accessible on the web. At the origin of this last book, if I understood correctly, a conference in which the historian Madeleine Rebérioux played an important role. The book is published under her direction. Nowadays, Labor Day is celebrated, masking the demonstrations aimed at obtaining the eight-hour day.

Je vais désormais essayer de parler d’autre chose : nous avons tous une indigestion de politique, de pandémie, de souci, d’angoisse… qui finiront par ne mener à rien.
I will now try to talk about something else: we all have an indigestion of politics, pandemic, worry, anxiety … which will ultimately lead to nothing.

Rassurez-vous, des colères j’en ai toujours des quantités, mais je vous en fais grâce. Il faut que je continue ma ronde. En effet, les bus ne sont plus confinés, ils commencent à rouler les uns derrière les autres en longues files.
Rest assured, I always have quantities of angeres, but I dispense you of them. I have to continue to patrol. Indeed, the buses are no longer confined, they begin to run one behind the other in long lines.

Après les embouteillages, tout s’est arrêté brusquement : un matin, il n’y avait plus une seule chenille.  La photo suivante a été prise la veille de leur disparition. Les oiseaux devaient être très satisfaits…
After the traffic jams, everything stopped suddenly: one morning there was no longer a single caterpillar. Next photo was taken the day before their disappearance. The birds had to be very satisfied …

 

J’ai fait une collection de diamants éphémères. Sur l’arbre de Judée j’ai retrouvé mes ennemis, bien peu nombreux maintenant. Deux minuscules traits sur la gauche.
 Regardez bien, vous verrez les vilains parasites.
I made a collection of ephemeral diamonds. On the tree of Judea I found my enemies, very few now. Two tiny lines on the left. Look closely, you will see the ugly parasites.

Et puis la goutte d’eau grossit, grossit…
And then the drop of water gets bigger, bigger …

plouf splash plonk !

4 réflexions sur « Mai(s) encore »

  1. Je ne suis pas d’accord avec ta « colère » parce qu’on interdit à quelqu’un de mettre un ampli sur son balcon et d’inonder le voisinage avec SA musique. Il faut voir bien sûr les conditions dans lesquelles elle le faisait : c’est très à la mode en ce moment à 20h (!) et si c’est pour une dizaine de minutes ça peut être sympa. Mais sinon, crois-en quelqu’un qui est environnée d’une centaine d’appartements sur le pourtour d’une cour et d’un jardin (avec un phénomène de résonance) ce serait l’horreur. Rien ne permet de penser que les 4 saisons de Vivaldi plaisent à un amateur de techno et réciproquement si j’étais obligée d’écouter des chansons sirupeuses ou de la techno, je pèterais les plombs. Le bruit est une des pires nuisances à l’heure actuelle (et Vivaldi est du bruit pour certains). Vous le savez bien avec certain de vos voisins. La liberté de chacun s’arrête … tu connais la suite…

  2. Oui, Lavande, j’aurais dû préciser (mais mes chroniques sont déjà tellement longues que j’évite de détailler !) : cette dame distribuait sa musique avec l’accord des voisins. Les policiers lui ont interdit de continuer, contre l’avis du voisinage. Ils sont repartis sous un concert de casseroles.

    Moi non plus je n’aime pas du tout du tout le raffut que peuvent faire certains voisins malotrus ! Dans le texte que Paul m’a lu, il apparaît clairement que les flics n’ont pas cherché à savoir si elle dérangeait.

  3. Je suis entièrement d’accord avec Lavande : si un de mes voisins avait eu l’idée de brancher un ampli pour en faire « profiter » le quartier, il y a des fortes chances que ce qui en serait sorti soit un tant soit peu compatible avec mes goûts musicaux, la probabilité d’entendre du Vivaldi est infinitésimale. Et oui moi aussi ça m’aurait fait péter les plombs.
    Bon, après si tous les voisins étaient d’accord pourquoi pas et c’est donc un peu idiot que la gendarmerie soit intervenue dans ce cas.

    Sinon quel est le nom de la plante avec ces belles feuilles pleines de gouttelettes et aux tiges violacées avant le paragraphe « ma colère de la semaine » ?

    Bon je vais aller écouter un peu de Vivaldi…

    • Si je retrouve le texte, je donnerai le lien.

      Il s’agissait d’une personne qui participait au lien social, avec l’accord du quartier, et pas du tout d’un bruit permanent. C’était un rendez-vous quotidien qui convenait à tout le monde.

      Ce que l’on ressentait en lisant ce récit, c’est que la police est intervenue contre l’avis de tous les habitants, dans l’idée de bien montrer qui commande ici.

      La plante dont tu parles est une euchère. Toi qui connais les lieux : elle pousse dans ce grand bac en bois, à main droite quand on longe la chaufferie en allant vers le parc. Dans ce bac, il y a aussi des hostas.

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