Avec une indigestion de printemps — With a spring indigestion

J’ai posté un bref texte de colère, « mensonges », et j’ai envoyé le petit message habituel, « la piqûre de rappel », par Sendinblue. Je suis destinataire aussi, et je n’ai reçu le message que deux jours plus tard. Et vous, mes fidèles lecteurs, l’avez-vous reçu ?
I posted a brief angry text, « lies », and sent the usual little message, « the booster shot », by Sendinblue. I am the recipient too, and I did not receive the message until two days later. And you, my faithful readers, have you received it?

Il n’y a pas de quoi vous tenir en haleine avec le quotidien – et ça, je l’ai déjà évoqué. Inutile de dénombrer les salades que Paul a repiquées sous la serre, ni la multitude de travaux qui le font se plier dans tous les sens : son squelette doit se rappeler que le printemps est là et s’y habituer. Lolo fait plein de petits travaux qu’on est contents de biffer de nos listes, moi je fais de la taille à régime tranquille. Dans les groseilliers qui sont en train de feuillir*, les ronces s’installent, et je coupe des segments tout petits pour ne pas ébranler la plante. Je suis allée gratter la terre des topinambours, j’ai trouvé des tubercules, c’est parfait, les rats, eux, ne les ont pas trouvés. Paul m’a aidée à repiquer une graminée qui finit toujours par s’étouffer dans son pot à force de s’y plaire, alors elle s’étiole : on a coupé la motte en trois morceaux, j’attends impatiemment qu’elle reprenne belle allure.
*parler québécois
There is nothing to keep you in suspense with the daily life – and that, I have already mentioned. Needless to count the salads that Paul has transplanted in the greenhouse, nor the multitude of works that make him bend in all directions: his skeleton must remember that spring is here and get used to it. Lolo does a lot of small jobs that we are happy to cross off our lists, I prune at a leisurely pace. In the currant bushes that are leafing out*, brambles are taking hold, and I cut very small segments so as not to shake the plant. I went to scratch the earth for Jerusalem artichokes, I found tubers, it’s perfect, the rats didn’t find them. Paul helped me transplant a grass that always ends up suffocating in its pot from enjoying it, so it withers: we cut the root ball into three pieces, I’m impatiently waiting for it to grow again good appearence.
* speak Quebecois

Mais comme ce n’est que le début de la saison jardin, et puis Paul s’est promis de ne pas faire trop grand cette année, il reste du temps pour autre chose sans bouger d’ici. Alors Paul se dit qu’il pourrait commencer à récapituler nos voyages, à en faire la liste. En commençant par le plus récent, c’est plus facile. Je vais l’aider, en utilisant quelques points de repère temporel. Plus il s’agira de passé lointain, plus on aura du mal ! Peut-être que certains voyages vont passer à la trappe, ou d’autres se souder entre eux par erreur. Mais l’aventure est intéressante.
But since it’s only the beginning of the garden season, and then Paul has promised himself not to make it too big this year, there’s still time for something else without moving from here. So Paul thought he could start recapping our travels, listing them. Starting with the most recent is easier. I’m going to help him, using some time markers. The more distant past it is, the harder it will be! Maybe some trips will fall by the wayside, or others will weld together by mistake. But the adventure is interesting.

Pour ma part j’ai eu une idée radicalement différente.
J’ai l’intention d’écrire quelque chose concernant le travail, la meilleure et la pire des choses. Un sujet très chaud vu l’actualité du moment – mais chaud en permanence, toujours d’actualité. Le travail qu’on subit ou qu’on aime, qu’on fuit ou après lequel on court. Celui qui procure une saine fatigue ou celui qui détruit. Innombrables facettes de quelque chose qui prend une part si considérable dans nos existences !
Je ne sais pas si ma réflexion pourra aboutir à quelque chose de digeste, d’intéressant !
For my part, I had a radically different idea.
I intend to write something about work, the best and the worst things. A very hot subject given the current events – but always hot, always relevant. The work that we undergo or that we love, that we flee or after which we run. The one that provides healthy fatigue or the one that destroys. Countless facets of something that takes such a huge part in our lives!
I don’t know if my reflection will lead to something digestible, interesting!

Entre mes problèmes de santé et une météo peu favorable, j’ai eu souvent l’occasion de lire. J’ai dévoré assez vite les 1380 pages de « la diaspora des Desrosiers » de Michel Tremblay : il s’agit d’un regroupement de neuf romans et j’aurais peut-être mieux fait d’intercaler d’autres auteurs entre deux romans de la diaspora ; je ne sais pas. Comme son nom l’indique, Tremblay étant un nom très courant au Québec, Michel Tremblay habite la belle province. Ses livres sont écrits en pur québécois, une langue proche de la mienne, mais pas identique, surtout les dialogues, fréquemment des morceaux d’anthologie : comme c’est savoureux ! Il est parfois bien nécessaire de connaître certaines expressions, le lecteur de France peut se trouver déstabilisé.
Between my health problems and unfavorable weather, I often had the opportunity to read. I quickly devoured the 1380 pages of « la diaspora des Desrosiers » by Michel Tremblay: it is a collection of nine novels and I might have done better to insert other authors between two novels from the Diaspora; I don’t know. As his name suggests, Tremblay being a very common name in Quebec, Michel Tremblay lives in the beautiful province. His books are written in pure Québécois, a language close to mine, but not identical, especially the dialogues, frequently anthology pieces: how tasty! It is sometimes very necessary to know certain expressions, the reader of France can be destabilized.

Je ne résiste pas au plaisir de raconter une petite anecdote tirée de ce pavé : pour éviter de dire « WC », « toilettes » ou « lieux d’aisance », certains anglophones désignent ce lieu sous le terme de « back house », « la maison de derrière » : les francophiles ont repris le terme, l’ont transformé ironiquement en « bécosse ». Mais je crois que l’usage de ce mot est local, ainsi les Québécois peuvent-ils désarçonner leurs proches en l’utilisant.
I can’t resist the pleasure of telling a little anecdote from this cobblestone: to avoid saying « WC », « toilets » or « lavatories », some English speakers refer to this place as « back house », « the house behind »: the Francophiles have taken up the term, ironically transformed it into « bécosse ». But I believe that the use of this word is local, so Quebecers can throw off their loved ones by using it.

« Le cycle des Belles-Sœurs, les Chroniques du Plateau-Mont-Royal et La Diaspora des Desrosiers appartiennent au corpus des œuvres majeures de la littérature francophone actuelle » nous dit Actes Sud, éditeur de Michel Tremblay pour la France.
« Le cycle des Belles-Sœurs, les Chroniques du Plateau-Mont-Royal et La Diaspora des Desrosiers » belong to the corpus of the major works of current French-speaking literature, » Actes Sud, publisher of Michel Tremblay for France, says.

Je recommande à tous la lecture de ses œuvres. Mais je dois préciser que même s’il y a des fous rires, aussi bien chez les héros que chez les lecteurs, les sentiments qui dominent sont très mitigés, quand ce n’est pas une profonde tristesse. Tout ce que je connais de la littérature québécoise est imprégné de mélancolie.
I recommend everyone to read his works. But I must specify that even if there are giggles, both among the heroes and among the readers, the feelings that dominate are very mixed, when it is not a deep sadness. Everything I know of Quebec literature is steeped in melancholy.

Pas de mélancolie pourtant quand nous sommes allés écouter un concert des « Tireux d’Roches », un groupe québécois avec un nom pareil ! Ils s’inspirent des répertoires traditionnels québécois et français, jouent d’un grand nombre d’instruments et dégagent une belle énergie !
No melancholy though when we went to listen to a concert of « Tireux d’Roches », a Quebec group with a similar name! They are inspired by traditional Quebec and French repertoires, play a large number of instruments and exude a beautiful energy!

Le concert avait lieu dans une immense belle cave voûtée où il ne faisait pas chaud. Le lieu n’était pas très favorable pour l’acoustique, et j’ai eu bien du mal à comprendre ce qui se disait ou se chantait en pur québécois. Plaisir de retrouver et la langue et son accent particulier. Mais toujours cette part de nostalgie qui nous serre le cœur à un détour.
The concert took place in a huge beautiful vaulted cellar where it was not hot. The place was not very favorable for the acoustics, and I had a hard time understanding what was being said or sung in pure Quebec. Pleasure to find and the language and its particular accent. But always this part of nostalgia that squeezes our hearts at a detour.

Un autre événement très différent s’est produit près de chez nous : venues de la-Tour-du-Pin, un groupe de femmes a organisé une marche de protestation contre les violences faites aux femmes, pour informer et sensibiliser. Elles sont les membres du groupe « plus fortes ensemble », mais chacun pouvait les accompagner au cours de leur périple de quatre jours.
Quand une femme est victime de violence, le plus souvent elle se croit en faute et elle a honte. Le collectif souhaite que la honte change de camp !
Another very different event happened near us: coming from la-Tour-du-Pin, a group of women organized a protest march against violence against women, to inform and raise awareness. They are the members of the « stronger together » group, but each could accompany them on their four-day journey.
When a woman is the victim of violence, most often she feels at fault and she is ashamed. The collective wants shame to change sides!

Elles ont été accueillies à l’ancienne école de St-Sorlin-de-Morestel, où un goûter et des boissons les attendaient. La maire de St-Sorlin a fait un discours pour rappeler la réalité de ce grave problème, puis la chorale de Faverges (enfin, seulement les choristes qui ont pu se libérer !) a chanté plusieurs chansons. Concernant les femmes bien sûr. Avec au final le célèbre « hymne des femmes ».
They were welcomed at the old school of St-Sorlin-de-Morestel, where a snack and drinks awaited them. The mayor of St-Sorlin made a speech to remind us of the reality of this serious problem, then the choir of Faverges (well, only the choir members who were able to free themselves!) sang several songs. Regarding women of course. With in the end the famous « women’s anthem ».

Il paraît que l’hymne des femmes a été créé en 1971 par le MLF : il était temps que je le découvre. La mélodie, je la connaissais, il s’agit du « chant des marais », en anglais « peat bog soldiers », et cette belle chanson a été pour moi l’occasion d’une découverte étonnante.
D’après Wikipédia, « le Chant des marais a été écrit en juillet 1933 par des prisonniers allemands antinazis au camp de Börgermoor, un des premiers camps de concentration conçus pour y enfermer les opposants au nouveau régime. Le travail, éreintant, consistait à assécher les marais voisins. »
Les détenus étaient des opposants politiques ou religieux allemands sous la surveillance de recrues SS.
It seems that the women’s anthem was created in 1971 by the MLF (women’s liberation movement): it was time for me to discover it. The melody, I knew it, it is the « chant des marais », in English « peat bog soldiers », and this beautiful song was for me the occasion of an astonishing discovery.
According to Wikipedia, « “le chant des marais” was written in July 1933 by German anti-Nazi prisoners at Börgermoor camp, one of the first concentration camps designed to hold opponents of the new regime. The grueling work involved draining the nearby marshes. »
The detainees were German political or religious opponents under the supervision of SS recruits.

Stronger together
Listen Support Raise awareness

Wolfgang Langhoff, un homme de théâtre, fait appel à Johann Esser pour écrire ce qui deviendra le Börgermoorlied, le chant des marais. Musique de Rudi Goguel. Tous les trois sont des prisonniers. Il s’agit d’activités culturelles, les nazis sont informés et autorisent le spectacle auquel certains assisteront. L’exercice est délicat, il s’agit de montrer aux nazis que les prisonniers ne sont pas des sous-hommes, sans faire de provocation, sans les laisser utiliser le spectacle pour leur propagande.
Wolfgang Langhoff, a man of the theater, calls on Johann Esser to write what will become the Börgermoorlied, le chant des marais. Music by Rudi Goguel. All three are prisoners. These are cultural activities, the Nazis are informed and allow the spectacle that some will attend. The exercise is delicate, it is a question of showing the Nazis that the prisoners are not sub-human, without provoking, without letting them use the spectacle for their propaganda.

Lien
Link
https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Chant_des_déportés

« Le “Cirque Konzentrazani” critiquait les conditions du camp, principalement par l’ironie, et se moquait indirectement du côté primaire des gardiens. Malgré tout, les SS furent favorablement impressionnés par le spectacle, qui les surprit par son originalité et sa jovialité.
(…)
Le contenu des numéros lui aussi devait être adapté au niveau limité des SS. D’une manière légère et drôle, il remettait en question l’idéologie nazie. »
« The “Cirque Konzentrazani” criticized the conditions of the camp, mainly through irony, and indirectly mocked the primary side of the guards. Despite everything, the SS were favorably impressed by the spectacle, which surprised them with its originality and joviality.
(…)
The content of the issues also had to be adapted to the limited level of the SS. In a light and funny way, it questioned Nazi ideology. »

C’est moi, dans le miroir rond à droite !
It’s me, in the round mirror on the right!

À la fin de la représentation, le Börgermoorlied est chanté, et même certains SS, isolés dans ces marais autant que les prisonniers, se sentent concernés par la chanson.
Elle a eu un succès foudroyant, les détenus déplacés dans un autre camp la faisaient connaître, ensuite elle a été traduite dans de nombreuses langues, elle reste une chanson de lutte. Il en existerait près de deux cents versions, avec des traductions plus récentes en hongrois, finlandais, arabe, breton…

At the end of the performance, the Börgermoorlied is sung, and even some SS men, isolated in these marshes as much as the prisoners, feel concerned by the song.
It was a resounding success, the detainees who moved to another camp made it known, then it was translated into many languages, it remains a song of struggle. There would be nearly two hundred versions, with more recent translations into Hungarian, Finnish, Arabic, Breton…

Ce n’est pas un hasard si cette chanson est célèbre sous des formes diverses, et c’est une bonne chose si les luttes des femmes sont à l’origine d’une de ses versions.
Pour en savoir plus, Wikipédia nous renvoie sur le site « holocaustmusic » au nom explicite.
Je vous invite à utiliser les liens ci-dessous pour connaître en détail la genèse de cette chanson, et savoir comment les détenus du camp de Börgermoor se sont battus pour conserver leur dignité et tenter de pousser les nazis à une prise de conscience.
It’s no coincidence that this song is famous in various forms, and it’s a good thing that women’s struggles are behind one of its versions.
For more information, Wikipedia directs us to the self-explanatory « holocaustmusic » site.
I invite you to use the links below to know in detail the genesis of this song, and to know how the prisoners of the Börgermoor camp fought to maintain their dignity and try to push the Nazis to an awakening.

http://holocaustmusic.ort.org/fr/places/camps/music-early-camps/moorsoldatenlied/

http://holocaustmusic.ort.org/fr/places/camps/music-early-camps/borgemoor/zirkus-konzentrazani/

Les six dernières photos
ont été prises à
la foire aux plantes de
la-Motte-Servolex

The last six photos
were taken at
the la-Motte-Servolex
plant fair

2 réflexions sur « Avec une indigestion de printemps — With a spring indigestion »

    • Eh bien je ne connais pas leur nom, c’est une fleur que je retrouve chaque année à la saison des jonquilles. Cette floraison reste exceptionnelle ! Elles doivent se plaire dans ce sous-bois.

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