Rome en graphiques, atrocités variées – various atrocities

Comme tout le monde j’imagine, je trouve que la chaleur et la sécheresse ont assez duré. Finalement, rien ne vaut un bon bouquin pour s’évader. Attention, ça ne va pas toujours être drôle.
Like everyone I imagine, I think the heat and drought have lasted long enough. Finally, nothing beats a good book to escape. Careful, it’s not always going to be funny.

Je commence par un roman graphique très beau mais trop douloureux pour que je puisse l’ouvrir à nouveau : Grand Silence, de Théa Rojzman, dessins de Sandrine Revel. Il s’agit de pédophilie dans un monde différent du nôtre, et où le silence est de rigueur. Quand un enfant est violé, sa tête se détache de ses épaules et se pose à côté. Une idée parmi d’autres, tout aussi excellentes, pour faire passer le message. Car le message de Théa Rojzman est clair, il faut que finisse le silence, aussi bien dans ce monde fictif que dans notre monde à nous bien entendu.
I start with a graphic novel that is very beautiful but too painful for me to open again: Grand Silence, by Théa Rojzman, drawings by Sandrine Revel. It is about pedophilia in a world different from ours, and where silence is obligatory. When a child is raped, his head comes off his shoulders and lays next to him. One idea among others, equally excellent, to get the message across. Because Théa Rojzman’s message is clear, the silence must end, both in this fictional world and in our own world of course.

« J’aurais pu parler de moi » dit-elle en post-face. « (…) Nous sommes tellement nombreux (…). J’aurais pu aussi raconter l’histoire d’un de mes agresseurs, qui s’est suicidé plus tard. Je pense aujourd’hui qu’il avait été lui aussi victime (…). »
« I could have talked about me, » she says in an afterword. « (…) We are so many (…). I could also have told the story of one of my attackers, who later committed suicide. I think today that he had also been a victim (…). »

Alors elle a cherché de quelle façon faire éclater le silence qui pèse le plus souvent sur les scènes de violence. Elle veut que ce problème devienne une priorité. Il « est collectif (…) Ce problème impacte toute notre société. » D’une part car les victimes sont très nombreuses, d’autres part car elles deviennent fréquemment bourreaux elles aussi. Ce livre fait partie des ouvrages très beaux qu’on ne peut poser avant de l’avoir lu tout entier, avec, je me répète, beaucoup beaucoup d’idées originales.
So she looked for a way to break the silence that most often weighs on scenes of violence. She wants this problem to become a priority. It « is collective (…) This problem impacts our whole society. » On the one hand because the victims are very numerous, on the other hand because they too frequently become executioners. This book is one of the very beautiful works that you cannot put down until you have read it all, with, I repeat, many many original ideas.

glycine et bignone – wisteria and Campsis radicans

Pour conclure sur le sujet, je connais plusieurs personnes qui ont été victimes de viol, ou dont un(e) proche a été victime : cela confirme qu’à défaut d’être banal, ce qu’il ne sera jamais !, ce crime reste fréquent. Et pas assez dénoncé. C’est terrible à dire, mais chacun d’entre vous connaît forcément une ou plusieurs victimes, et vous le savez, ou bien vous l’ignorez.
To conclude on the subject, I know several people who have been victims of rape, or whose loved one has been the victim: this confirms that, if not banal, which it will never be!, this crime remains frequent. And not denounced enough. It’s terrible to say, but each of you necessarily knows one or more victims, and you know it, or you don’t know it.

Encore un très beau roman graphique, il faut bien justifier mon titre idiot. Le droit du sol – journal d’un vertige, d’Étienne Davodeau. L’auteur a pris la route sac au dos, pour parcourir à pied les huit cents kilomètres entre la grotte de Pech Merle et Bure, dans la Meuse. Il relie ainsi « deux traces, laissées par des sapiens à d’autres sapiens. » « Sous le sol de Pech Merle, il y a des milliers d’années, des sapiens ont laissé à leurs descendants des souvenirs admirables. Sous le sol de Bure, en ce moment, d’autres sapiens – et d’une certaine manière les mêmes sapiens – envisagent d’enterrer des déchets nucléaires dont certains resteront dangereux pendant des milliers d’années. »
Another very beautiful graphic novel, it is necessary well to justify my idiotic title. Le droit du sol – journal d’un vertige, by Étienne Davodeau. The author took the road backpack, to walk the eight hundred kilometers between the cave of Pech Merle and Bure, in the Meuse. He thus connects « two traces, left by sapiens to other sapiens. » « Under the soil of Pech Merle, thousands of years ago, sapiens left their descendants with wonderful memories. Beneath the soil of Bure, at the moment, other sapiens – and in a way the same sapiens – are planning to bury nuclear waste, some of which will remain dangerous for thousands of years. »

« Ce récit, au fond, c’est une tentative d’évoquer notre absolue dépendance à cette planète et à son sol. » Habitué à marcher, Davodeau vit une expérience particulière car cette randonné est due au projet de livre. Le livre s’écrit pendant que les kilomètres défilent, à coup de rencontres réelles ou décalées dans le temps comme il l’explique. Une de ces personnes lui dit que le responsable des changements climatiques n’est pas nécessairement l’homme, c’est le capitalisme.
« This story, at its core, is an attempt to evoke our absolute dependence on this planet and its soil. » Accustomed to walking, Davodeau lives a particular experience because this hike is due to the book project. The book is written as the miles go by, with real or time-shifted encounters as he explains. One of these people tells him that the cause of climate change is not necessarily man, it is capitalism.

rose trémière — Hollyhock

Même si tout le bouquin présente un fort grand intérêt, le « gros morceau », bien sûr c’est le site d’enfouissement de Bure, étudié même sous l’angle de la psychanalyse : « L’enfouissement est-ce que ça n’est pas assimilable à du refoulement ? Et depuis Sigmund, on le sait avec certitude, le refoulé remonte toujours. »
Even if the whole book is of great interest, the « big piece », of course, is Bure’s burial site, interpreted even from the angle of psychoanalysis: « Burying isn’t it assimilable to repression? And since Sigmund, we know with certainty, the repressed always comes back. »

Bernard Laponche, ingénieur au commissariat à l’énergie atomique, est devenu un des opposants les plus déterminés à l’énergie nucléaire. Il évoque les déchets de « faible activité » « déjà stockés de façon définitive dans des sites particuliers (…). Ils devront être surveillés et contrôlés au moins trois cents ans (…). » Or, dans le site d’enfouissement, « une puissante ventilation ne devra jamais s’arrêter pendant au moins cent cinquante ans. » Quelques pages plus loin intervient Valérie Brunetière, sémiologue, qui tente de répondre à la question « Comment signaler aux sapiens qui vivront sur notre territoire dans les prochains siècles que nous leur avons laissé ce cadeau maléfique sous l’actuel Bois le Juc ? » « C’est très compliqué ! » dit-elle. « Une langue se transforme tellement en quelques centaines d’années que deux personnes, imaginons, qui pourraient communiquer à 500 ans d’intervalle auraient de sacrés risques de ne pas du tout se comprendre ! »
Bernard Laponche, an engineer at the Atomic Energy Commission, has become one of the most determined opponents of nuclear energy. He mentions the « low level » waste « already permanently stored in specific sites (…). They will have to be monitored and controlled for at least three hundred years (…). » Now, in the burial site, « powerful ventilation must never stop for at least one hundred and fifty years. » A few pages later intervenes Valérie Brunetière, semiologist, who tries to answer the question « How to signal to the sapiens who will live on our territory in the coming centuries that we have left them this evil gift under the current Bois le Juc? » « It’s very complicated ! » she says. « A language changes so much in a few hundred years that two people, let’s imagine, who could communicate 500 years apart would have a hell of a chance of not understanding each other at all! »

Nos lointains descendants auront besoin d’information, le livre aborde le problème de sa conservation : le numérique, trop compliqué, trop fragile… Alors le papier ? Eh bien ce serait l’idéal, mais le papier ne dure pas éternellement.
Our distant descendants will need information, the book addresses the problem of its conservation: digital, too complicated, too fragile… So paper? Well that would be ideal, but paper doesn’t last forever.

Les deux cents pages (et plus) de cet album sont bourrées d’informations vérifiées à chaque fois et dont la source est indiquée. Je n’ai pas tout relu, je crois bien que quelque part, Davodeau assume le fait de ne pas avoir donné la parole aux pro-nucléaires : ces gens-là ont accès aux médias bien plus que nécessaire pour débiter leurs salades, je suis contente de ne pas les avoir trop croisés dans ces pages déjà pas rassurantes pour notre avenir.
The two hundred pages (and more) of this album are stuffed with information that is verified each time and whose source is indicated. I haven’t reread everything, I believe that somewhere, Davodeau assumes the fact of not having given the floor to the pro-nuclear: these people have access to the media much more than necessary to spin the tales, I am happy not to have come across them too much in these already not reassuring pages for our future.

Je suis tombée sur Mythes et meufs de Blanche Sabbah, et cinq minutes après, dans la même librairie, sur Et à la fin ils meurent – la salle vérité sur les contes de fées de Lou Lubie. Un régal, l’un comme l’autre.
I came across Mythes et meufs (myths and girls) by Blanche Sabbah, and five minutes later, in the same bookstore, I came across Et à la fin ils meurent – la salle vérité sur les contes de fées (And at the End They Die – the truth room about fairy tales) by Lou Lubie. A treat, one like the other.

Today, if we were to make a modern portrait of Daphne, it would surely look like this.

En 21 épisodes, Blanche Sabbah analyse et revisite nos héroïnes passées et présentes à la lumière des nouvelles pensées féministes, nous dit la quatrième de couv’, et c’est une excellente présentation. L’auteure évoque les « femmes emmenées et épousées sans leur consentement. »
Et ce n’est pas ce qui manque !

Les mythes sont surtout ce qu’on décide d’en faire, dit-elle. Elle note que les femmes modifient leur aspect, leur langage, leur allure, etc, ou encore changent de chemin pour se protéger, car à toutes les époques le fait d’être une femme génère un danger : c’est la même chose dans le conte et dans la vraie vie. Les contes t’avertissent des dangers qui rodent.
« Tous les contes, finalement, sont des rites de passage qui guident les enfants hors des sentiers tortueux de l’adolescence et vers leur épanouissement. » Blanche Sabbah apprécie que les contes de Disney deviennent moins manichéens. Elle souhaite en finir avec les rouages d’un modèle amoureux obsolète.
In 21 episodes, Blanche Sabbah analyzes and revisits our past and present heroines in the light of new feminist thoughts, the back cover tells us, and it’s an excellent presentation. The author refers to « women taken and married without their consent. » And that’s not what’s missing!
Myths are mostly what you decide to make of them, she says. She notes that women change their appearance, their language, their pace, etc., or even change their path to protect themselves, because in all eras being a woman generates danger: it is the same thing in the world storytelling and in real life. Tales warn you of lurking dangers.
« All stories, ultimately, are rites of passage that guide children out of the twisting paths of adolescence and into fulfillment. » Blanche Sabbah appreciates that Disney’s tales are becoming less Manichean. She wishes to put an end to the cogs of an obsolete love model.

Lou Lubie, de son côté, rappelle que ces histoires ont été affadies, édulcorées, rendues mièvres pour les faire ingurgiter aux enfants.
Saviez-vous que la douce Cendrillon a assassiné sa belle-mère ? Pas la méchante qui a deux filles, mais la précédente, la gentille, celle qui n’apparaît plus dans les contes de Charles Perrault ou des frères Grimm ? Ce crime permet ensuite à la méchante d’exercer un chantage sur Cendrillon, en la menaçant de révéler le meurtre. Basile (Giambattista Basile de Naples, 1566-1632) a repris un conte parti de Chine vers 850. De Chine ? Où la mode consistait à bander les pieds des filles pour qu’elles aient de « beaux » pieds ? Taille idéale : 7.5 cm. L’enjeu du conte ne tient-il pas à une chaussure ? Dans le conte des frères Grimm, chacune des deux sœurs se coupe un morceau de pied pour pouvoir passer la chaussure…
Lou Lubie, for her part, recalls that these stories have been made dull, watered down, made cutesy to make children swallow them.
Did you know that sweet Cinderella murdered her stepmother? Not the villain who has two daughters, but the previous one, the nice one, the one who no longer appears in the tales of Charles Perrault or the Brothers Grimm? This crime then allows the villain to blackmail Cinderella, threatening to reveal the murder. Basil (Giambattista Basile of Naples, 1566-1632) took up a tale that left China around 850. From China? Where was the fashion for bandaging girls’ feet so they had « beautiful » feet? Ideal height: 7.5 cm. Isn’t the stake of the tale a shoe? In the Brothers Grimm’s tale, each of the two sisters cut off a piece of their foot in order to be able to pass the shoe…

Oui, c’est violent, je n’allais quand même pas montrer une scène de sxe ?
Yes, it’s violent, I was still not going to show a sex scene?

J’espère vous en avoir assez dit, même si je pourrais continuer pendant des pages et des pages. Ces deux livres sur les contes sont très différents, chacun bien documenté – on peut parler d’un travail d’universitaire. Ils me donnent envie de lire les différentes versions d’une même histoire, et de chercher par exemple l’histoire de Yeh-Hsien, « l’ancêtre » de Cendrillon, on trouve tout sur internet…
I hope I have told you enough, although I could go on for pages and pages. These two books on the tales are very different, each well documented – one can speak of an academic work. They make me want to read the different versions of the same story, and to search for example the story of Yeh-Hsien, the « ancestor » of Cinderella, you can find everything on the internet…

J’ai fait quelques pas dans le parc, dimanche, malgré la chaleur écrasante, pour faire en quelque sorte un état des lieux et en illustrer ces pages.
I took a few steps in the park on Sunday, despite the crushing heat, to sort of take stock of the situation and illustrate these pages.

oeillet d’Inde — marigold

Je vous retrouve dans deux semaines, ce sera plus simple pour moi : y’aura interro sur les quatre livres que je vous ai présentés… Je l’ai dit au début, ce n’est pas toujours drôle, mais pour moi chacun est incontournable !
I’ll see you in two weeks, it will be easier for me: there will be questions about the four books I presented to you… I said it at the beginning, it’s not always funny, but for me each one is essential !

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