Ire

« Un irresponsable n’est plus un citoyen » a déclaré Macron. Nos dirigeants, qui, de la manière la plus irresponsable qui soit, nous envoient (nous, et eux avec) dans le mur, préoccupés par les profits et indifférents aux problèmes environnementaux, ne sont donc plus des citoyens. Que sont-ils ? Je n’en sais rien.

« An irresponsible is no longer a citizen, » Macron said. Our leaders, who send us (us and also them) into the wall, in the most irresponsible way possible, being preoccupied with profits and indifferent to environmental problems, are therefore no longer citizens. What are they ? I do not know.

Ne plus être un citoyen, je suppose, c’est être exclu de la société. La société, c’est infiniment plus qu’une addition d’individus. En effet les voyageurs dans une rame de métro ou un wagon de chemin de fer ne constituent pas un groupe social. Pas plus que l’auditoire dans une salle de cinéma ou à l’opéra. Ne parlons pas de la foule dans les supermarchés : dans tous ces cas-là, on peut parler d’une addition d’individus parmi lesquels les interactions ne sont pas impossibles mais restent rares.

To no longer be a citizen, I suppose, is to be excluded from society. Society is infinitely more than a sum of individuals. In fact, travelers in a metro train or a railway car do not constitute a social group. No more than the audience in a movie theater or at the opera. Let’s not talk about crowds in supermarkets: in all these cases, we can talk about an addition of individuals among whom interactions are not impossible but remain rare.

On peut parler de groupe social, de société, quand les interactions sont nombreuses, l’image est évidente : si vous dessinez des flèches d’une personne à une autre, eh bien, dans un groupe normalement constitué, les flèches seront bientôt partout, superposées, croisées, tissées les unes avec les autres. Et on ne verra plus que cet enchevêtrement, ce tissage…

We can talk about a social group, a society, when the interactions are numerous, the picture is obvious: if you draw arrows from one person to another, well, in a normally constituted group, the arrows will soon be everywhere, superimposed, crossed, woven with each other. And we will only see this entanglement, this weaving…

J’aime beaucoup l’idée de tissu social, l’image est fort juste : un tissu peut posséder un certain charme. Il peut être usé, déchiré, découpé, il peut être au contraire beau et solide. Et même, contrairement à du « vrai » tissu, il peut se régénérer, se consolider. Je vais enfoncer une porte ouverte en rappelant que notre tissu social est bien dégradé.

I really like the idea of social fabric, the image is very accurate: a fabric can have a certain charm. It can be worn, torn, cut, on the contrary it can be beautiful and solid. And even, unlike « real » tissue, it can regenerate, consolidate. I am going to push an open door by recalling that our social fabric is very degraded.

Les irresponsables qui nous dirigent en ont peut-être conscience : en effet, si le tissu social est en train de pourrir, ils redoutent beaucoup moins les luttes dont sont capables des groupes constitués. Si j’évite les regards des gens que je croise dans la rue, ça ne va pas être facile de projeter et de forger avec eux une meilleure société.

The irresponsible people who lead us may be aware of this: indeed, if the social fabric is rotting, they are much less afraid of the struggles of which organized groups are capable. If I avoid the eyes of the people I meet on the street, it will not be easy to project and forge with them a better society.

Pour se lever et marcher contre le pouvoir en place, une addition d’individus ne suffit pas. Il faut la rencontre et les confrontations d’intelligences très diverses, de personnes qui échangent des points de vue, des idées, qui peuvent se trouver en désaccord et chercher un consensus – quoi de plus normal -, qui peu à peu se trouvent un terrain commun… Bref, qui se confrontent jusqu’à se frictionner, se mesurent, se rapprochent, s’étrillent…
Faut que ça gueule,
que ça s’engueule,
que ça piaille,
que ça chiale…


To stand up and march against the power in place, an addition of individuals is not enough. There must be encounters and confrontations between very diverse intelligences, people who exchange points of view, ideas, who may find themselves in disagreement and seek a consensus – what could be more normal -, who little by little find ground common… In short, which confront each other to the point of rubbing each other, measure each other, get closer, strangle each other…
It has to scream,
it has to argue,
it has to squeal,
it has to cry …

Dans d’autres domaines encore le groupe est indispensable pour que « ça » fonctionne.

In still other areas the group is essential to make « it » work.

Dans le roman « Écotopia » dont je vous ai parlé l’année dernière, l’auteur, Callennbach, préconisait une école « à l’ancienne » avec enseignants et élèves présents. Callennbach ne croyait pas à l’éducation à domicile pilotée par ordinateur. Je suis d’accord avec lui sur la nécessité, encore une fois, de confrontations. (D’ailleurs, si elles n’ont pas lieu à cause de cours poussiéreux dont les élèves doivent être consommateurs passifs, chacun étant replié sur soi, il ne se passe rien non plus.)

In the novel « Ecotopia » that I told you about last year, the author, Callennbach, advocated an « old-fashioned » school with teachers and students present. Callennbach did not believe in computer-driven homeschooling. I agree with him on the need, once again, for confrontations. (Besides, if they do not take place because of dusty lessons of which the students must be passive consumers, each being withdrawn into themselves, nothing happens either.)

Parmi d’innombrables autres personnes, Pascal Dibie (que j’ai évoqué récemment) constate les mutations de notre société. Il a parlé du village de Chichery dans deux ouvrages espacés de trente ans. « Je sais que le village n’est plus un paradis où il suffisait de faire quelques mètres pour avoir du lait frais, des œufs, du pain chaud, une viande dont on connaissait l’animal ou un bain joyeux d’échanges autour d’un verre. » Il faisait ce constat bien avant le début des confinements…

Among countless other people, Pascal Dibie (whom I mentioned recently) sees the changes in our society. He spoke of the village of Chichery in two works spaced thirty years apart. « I know that the village is no longer a paradise where it was enough to walk a few meters to have fresh milk, eggs, hot bread, meat whose animal we knew or a joyful bath of exchanges around a glass. » He made this observation long before the start of the confinements…

De même, Axel Kahn fait le constat très documenté de la dégradation dramatique de l’existence dans « la diagonale du vide » dans les quelque 1 300 kilomètres du Nord-Est au Centre-Ouest de la France. Dans l’autobiographique « Chemins », où il évoque son existence de chemineau, il lui arrive d’être atterré par ce qu’il voit.
“La gravité, la sauvagerie même de la « dévastation industrielle » (…) a induit un désespoir plus ou moins résigné (…). génération après génération, les entreprises ferment, les jeunes quittent le pays, les magasins disparaissent, les médecins ne [sont] pas remplacés, les services publics [sont] supprimés. (…) l’avenir ne peut être qu’une poursuite accélérée de la descente aux enfers (…). La mondialisation, la construction européenne, les étrangers (…) tous ligués pour assurer leur perte et la disparition de leur mode de vie, sont tenus pour responsables du désastre. Ce pessimisme profond a un effet dissolvant sur tout ce qui « fait société », l’engagement associatif, syndical, la participation à la vie publique et aux élections.”


Similarly, Axel Kahn makes the well-documented observation of the dramatic deterioration of existence in « the diagonal of the void » in the approximately 1,300 kilometers from the North-East to the Center-West of France. In the autobiographical « Chemins » (« Paths »), where he talks about his existence as a trekker, he is sometimes appalled by what he sees.
“The gravity, the very savagery of the « industrial devastation » (…) induced a more or less resigned despair (…). generation after generation, businesses close, young people leave the country, shops disappear, doctors [are] not replaced, public services [are] cut. (…) the future can only be an accelerated pursuit of the descent into hell (…). Globalization, European construction, foreigners (…) all united to ensure their loss and the disappearance of their way of life, are held responsible for the disaster. This deep pessimism has a dissolving effect on everything that « makes society », associative and union involvement, participation in public life and in elections.”

Je ne propose pas un retour nostalgique vers un passé révolu et qu’on ne devrait pas trop enjoliver. Même s’il avait aussi de bons côtés, tout n’était pas mieux, avant. Il faut se tourner avec lucidité vers un avenir difficile à imaginer et qui repose entre les mains… de qui ?
Je trouve important d’être conscient de ce que signifient ces mutations dans nos existences.


I am not proposing a nostalgic return to a bygone past that we should not embellish too much. Even if it also had good sides, everything was not better, before. We must look with lucidity to a future that is difficult to imagine and which rests in the hands of… whose hands?
I find it important to be aware of what these mutations mean in our lives.

Les irresponsables au pouvoir n’ont ni l’envie ni le besoin de restaurer du lien social, de ravauder ce tissu malmené pour lui redonner de la vigueur. Au contraire, notre soumission apparente leur convient.

The irresponsible in power have neither the desire nor the need to restore social ties, to mend this abused fabric to restore its vigor. On the contrary, our apparent submission suits them.

Alors que nous sommes gouvernés, funeste paradoxe, par des irresponsables, donc des non-citoyens, à l’inverse certaines personnes citoyennes méritent toute notre admiration et notre soutien pour leurs interventions remarquables.

While we are governed, fatal paradox, by irresponsible, therefore non-citizens, conversely some citizens deserve all our admiration and our support for their remarkable interventions.

Parmi elles Alice Desbiolle épidémiologiste, médecin de santé publique, dont l’interview dure un quart d’heure (presque !), et que les francophones peuvent écouter en cliquant sur le lien bleu. Plus loin je donne des liens trouvés sur son compte twitter vers des sites en français ou anglais. Elle s’oppose, arguments à l’appui, aux vaccinations non ciblées et au mauvais usage des indicateurs : ce n’est pas le nombre de contaminations qui importe, mais le nombre de cas graves.

Among them Alice Desbiolle epidemiologist, public health doctor, whose interview lasts a quarter of an hour (almost!), and that French speakers can listen to by clicking on the blue link. Further I give links found on her twitter account to sites in French or English. She opposes, supporting arguments, untargeted vaccinations and misuse of indicators: it is not the number of contaminations that matters, but the number of serious cases.

Son discours est sensé, posé, argumenté, et plaisant à écouter… L’interview commence par la phrase de Macron, « Un irresponsable n’est plus un citoyen » à quoi elle répond « En tant que médecin je ne suis pas là pour juger les individus, je suis là pour respecter leurs choix. (…) Je pense qu’il est plus qu’urgent de cesser tout ça et de se rappeler que les seuls coupables ce sont les facteurs qui ont contribué à l’émergence et à la diffusion de cet agent infectieux. »

Her speech is sensible, calm, argued, and pleasant to listen to… The interview begins with Macron’s sentence, « An irresponsible is no longer a citizen » to which she replies « As a doctor, I am not here to judge individuals, I am here to respect their choices. (…) I think it is more than urgent to stop all this and remember that the only culprits are the factors that contributed to the emergence and spread of this infectious agent. »


Il est nécessaire de « s’attaquer aux facteurs de risque d’émergence, » dit-elle. Ce sont « essentiellement les activités humaines destructrices que sont la déforestation, le commerce des animaux sauvages, l’érosion et la destruction de la bio-diversité. Une biodiversité riche et variée protège les humains du risque de pandémie tout simplement par ce que l’on appelle l’effet dilution : les agents pathogènes vont être dilués avec une grande variabilité génétique (…). Un autre facteur majeur du risque de pandémie c’est l’élevage industriel qui va jouer un rôle d’amplificateur de l’agent pathogène parce que les animaux qui sont dans ces fermes industrielles sont des clones au niveau génétique. Dès que vous avez un agent infectieux qui trouve la clé pour contaminer un individu, il va contaminer le reste de l’élevage. »

There is a need to « address the risk factors for emergence, » she says. These are « essentially the destructive human activities of deforestation, wildlife trade, erosion and destruction of biodiversity. A rich and varied biodiversity protects humans from the risk of a pandemic simply by what is called the dilution effect: pathogens will be diluted with great genetic variability (…). Another major factor in the risk of a pandemic is factory farming, which will play a role in amplifying the pathogen because the animals on these factory farms are clones at the genetic level. As soon as you have an infectious agent that finds the key to contaminating an individual, it will contaminate the rest of the farm. »

son compte twitter
her twitter account

Liens vers les sources qu’elle cite concernant l’épidémie de pandémies et les causes d’émergences
Links to the sources she cites concerning the epidemic of pandemics and the causes of emergence

liste Blueprint de l’OMS (en anglais)
rapport de l’IPBES (en anglais)
communiqué de presse IPBES (en français)

Tout cela n’est pas réjouissant puisque, elle le confirme, nous sommes entrés dans l’ère des pandémies, on peut parler d’épidémie de pandémies.

All this is not encouraging since, she confirms, we have entered the era of pandemics, we can speak of an epidemic of pandemics.

Tilleul de Henry — Henry’s basswood

Ire = colère
J’ai hésité à exprimer mon ire de peur de vous fatiguer à ressasser LE sujet obsessionnel. Je me sens toujours en porte-à-faux : j’ai l’impression d’avoir inventé la poudre, puis je m’aperçois que vous savez déjà tout ce que je vous serine. J’ai mis très longtemps à rédiger ces quelques lignes que vous lirez en une minute…
Faut-il conclure que pour partager notre quotidien au Charbinat, c’est raté ? Bon, les photos de Lolo, de Paul et de l’énorme broyeur racontent très bien notre dernière aventure. Jean-Pierre et Chantal eux aussi ont donné un fameux coup de main.

Pour les photos, je ne résiste pas au plaisir de rajouter quelques images glacées, et puis quelques autres, choisies presque au hasard.

Ire = anger
I hesitated to express my anger for fear of tiring you out rehashing THE obsessive subject. I always feel out of place: I feel like I invented the powder, then I realize that you already know everything I’m telling you. It took me a very long time to write these few lines that you will read in a minute…
Should we conclude that to share our daily life at Charbinat, it’s missed? Well, the photos of Lolo, Paul and the huge crusher tell our latest adventure very well. Jean-Pierre and Chantal also gave a famous helping hand.

For the photos, I can’t resist the pleasure of adding a few frozen images, and then a few others, chosen almost at random.

Je viens de découvrir un virus – en réalité il existe depuis fort longtemps. Il influence les rythmes cardiaque et respiratoire. Certainement par crainte de la contamination, le plus souvent si on le perçoit chez son vis à vis on recule pour s’en protéger. Il s’appelle bienveillance.

I have just discovered a virus – in fact it has been around for a very long time. It influences heart and respiratory rates. Certainly for fear of contamination, most often if we perceive it in the person opposite, we step back to protect ourselves. It’s called benevolence.

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