Sans queue ni tête

Que peut-il se passer dans le cerveau tordu d’un homme dont la planète entière écoute la moindre éructation, lorsque, sans être médecin, il donne des conseils de santé qui tueraient assurément ceux qui les suivraient ? Et qui, le lendemain, aggraverait encore son cas en prétendant avoir fait de l’humour ?
What can happen in the twisted brain of a man whose whole planet listens to the slightest belching, when, without being a doctor, he gives health advice that would certainly kill those who follow them? And who, the next day, would make his case even worse by pretending to have been humorous?

Je ne vais cependant pas lui laisser beaucoup de place et ce sera ma seule dénonciation cette fois, car par  hygiène mentale et à défaut de pouvoir agir sur la situation, il vaut mieux rire pour se sortir la tête de tout ça. Même si mes colères ne s’apaisent pas ! Rire, c’est excellent pour la santé, alors voici une excellente chanson du groupe (confiné comme tout le monde) « les Goguettes » que Paul connaissait déjà, sur l’air de « Vesoul » (Jacques Brel), à écouter ici, et qui résume vraiment bien la situation :
However, I will not leave him much room and this will be my only denunciation this time, because by mental hygiene and failing to act on the situation, it is better to laugh to get this out of one’s head. Even if my anger does not calm down! Laughter is great for your health, so here is an excellent song from the (confined like everyone else) group « les Goguettes » that Paul already knew, singing on the melody of « Vesoul » (Jacques Brel), that you can listen here, and who sums up the situation really well:

T’as voulu voir le salon et on a vu le salon
T’as voulu voir la chambre et on a vu la chambre
T’as voulu voir le placard et on a vu le placard
T’as voulu voir la fenêtre et on a vu la fenêtre
T’as voulu voir les chiottes et on a vu les chiottes
J’ai voulu voir le balcon on n’avait pas de balcon
Ouais c’est con
You wanted to see the living room and we saw the living room
You wanted to see the bedroom and we saw the bedroom
You wanted to see the cupboard and we saw the cupboard
You wanted to see the window and we saw the window
You wanted to see the toilets and we saw the toilets
I wanted to see the balcony we had no balcony
Yes it’s idiot

Jérôme a noté dans les paroles de cette chanson « un paradoxe dont bizarrement il n’est jamais fait écho dans les médias. »
« Pour pas se contaminer, il faut se confiner. Mais pour se déconfiner, faut être immunisés, pour être immunisés faut se faire contaminer, pour se faire contaminer il faut se déconfiner. »

Jerome noted in the lyrics of this song « a paradox that weirdly has never been echoed in the media. »
« In order not to contaminate yourself, you have to confine yourself. But to deconfine, you have to be immunized, to be immune you have to get contaminated, to get contaminated you have to deconfine yourself. »

Ça fait du bien de rire, pourquoi pas sur un sujet aussi grave, et les occasions ne manquent pas de faire sans arrêt de nouvelles trouvailles.
It’s good to laugh, why not on such a serious subject, and there are plenty of opportunities to make new discoveries all the time.

On l’aimait notre planète asphyxiée. On l’aimait, notre consommation frénétique de trucs inutiles. On l’aimait, notre existence d’avant le confinement.
We loved our asphyxiated planet. We loved our frantic consumption of useless stuff. We loved our existence before confinement.

On rêve (quand même un peu aussi) de reprendre la même existence dès qu’on pourra, mais en sachant que certaines habitudes devraient changer. Chacun ayant sa propre vision du changement (produire encore plus, comme des fous, ou arrêter toutes les fabrications inutiles – oui, mais c’est quoi, « utile » ou « inutile », je n’utilise pas de savon à barbe, indispensable pour d’autres, et c’est pareil pour les Rolls… Si l’on se risque sur ces considérations, on attrape le vertige)…
We dream (even a little too) of resuming the same existence as soon as we can, but knowing that certain habits should change. Everyone with their own vision of change (produce even more, like crazy, or stop all unnecessary manufacturing – yes, but what does « useful » or « useless » mean, I do not use beard soap, essential for others, and it’s the same for the Rolls… If you listen to these considerations, you get dizzy)…

Allons-nous renoncer à…? À quoi faudrait-il renoncer ?
Are we going to give up to …? What should we give up?

Ce sont toujours les plus démunis qui sont le plus privés, il s’agit d’abandonner les pratiques qui ont trop d’impact sur la santé de la planète.
Always the poorest are the most deprived, it is about giving up practices that have too much impact on the health of the planet.

Dans son livre « aux frontières de l’Europe », Paolo Rumiz déplore avec un ami de rencontre « l’état de siège des éleveurs arctiques, chassés des bases de sous-marins nucléaires sur la mer de Barents, poussés vers le sud-est par les mines de nickel, coupés du lac Imandra par la voie ferrée, privés de la toundra par les installations industrielles de Montchegorsk, spoliés de leurs rivières par les pêcheurs de saumon américains qui ont obtenu une concession de vingt-cinq ans sur la moitié de la péninsule. Et puis il y a la Iokanga, le plus beau de tous ces cours d’eau, envahi par les villas des nouveaux riches russes ; les entreprises suédoises qui ont loué des montagnes entières pour se livrer à l’extraction de l’or. Sans parler du vol des mousses et des lichens, aliment vital pour les rennes, emportés en Occident par centaines de tonnes pour décorer les tombes des riches. » Rumiz constate qu’« aujourd’hui tout ce qui est nomade entrave la culture de l’exploitation. » Il déplore encore les massacres de rennes dont on ne prend que les bois, les beuveries, les déprédations. Les visiteurs fortunés « braconniers, touristes, nouveaux riches, automobilistes, agents des multinationales » sont équipés de « motoneiges, vêtements thermiques, GPS, téléphones portables, fusil au laser », faisant du territoire des Samis (Lapons) un « terrain de chasse pour les riches. »
In his book « aux frontières de l’Europe », Paolo Rumiz deplores with a friend he meets « the state of siege of Arctic breeders, chased from the bases of nuclear submarines on the Barents Sea, pushed towards the southeast by the nickel mines, cut off from Lake Imandra by rail, deprived of the tundra by the industrial installations of Montchegorsk, robbed of their rivers by the American salmon fishermen who obtained a concession of twenty-five years over half of the peninsula. Then there is the Iokanga, the most beautiful of all these rivers, invaded by the villas of the new wealthy Russians; Swedish companies that have rented entire mountains to mine for gold. Not to mention the theft of mosses and lichens, a vital food for reindeer, taken to the West by hundreds of tonnes to decorate the graves of the wealthy. » Rumiz notes that « today everything that is nomadic hampers the culture of exploitation. » He still deplores the massacres of reindeer from which they take only antlers, binge drinking, depredation. The wealthy visitors « poachers, tourists, new wealthy, motorists, agents of multinationals » are equipped with « snowmobiles, thermal clothing, GPS, mobile phones, laser rifle », making the territory of the Sami (Lapps) a « hunting ground for the rich. »

Ce sujet sensible n’est malheureusement qu’un exemple parmi des milliers d’autres de ce à quoi il faudrait réfléchir pour infléchir le cours des choses.
This sensitive subject is unfortunately only one example among thousands of others of what one should think about to turn things around.

De quoi sommes-nous prêts à nous passer ? La pandémie aura donné une soudaine importance aux petits producteurs locaux. Pourvu que ça continue. On ne les applaudit pas, eux, qui se battent depuis des décennies contre la production de nourriture bourrée de poison. Ils sont souvent isolés, méprisés… Ils ont du mal à tenir. Certains abandonnent, je pense à une exploitation qui s’est montée à Bourgoin et a connu deux années trop difficiles, excès d’eau, manque d’eau, excès de chaleur, que sais-je… Il y a un moment où on doit manger, où on baisse les bras quand ça veut pas…
What are we ready to do without? The pandemic will have given sudden importance to small local producers. As long as it continues. We do not applaud them, who have been fighting for decades against the production of food stuffed with poison. They are often isolated, despised … For them it’s hard to hold on. Some give up, I think of an operation that went up in Bourgoin and experienced two too difficult years, excess water, lack of water, excess heat, who knows … There is a moment when you have to eat, when you give up when it’s so difficult.

Et si tout était gratuit ? J’achète des denrées sans payer, le commerçant achète lui aussi ce dont il a besoin. Sans payer. Le Gébé de l’An 01 avait proposé cette idée.
What if everything was free? I buy food without paying, the shopkeeper also buys what he needs. Without paying. When he invented « year 01 », Gébé proposed this.

On découvre aussi de petits avantages au confinement : j’ai pris conscience d’avoir de (petites) connaissances pour me soigner : j’ai réussi à me débarrasser d’un début d’abcès dentaire à l’aide d’huiles essentielles et d’argile. Ensuite, j’ai attrapé un rhume, et savoir que j’allais passer des jours à avoir encore plus de mal à respirer m’a sérieusement stressée. Mais un traitement énergique a arrêté aussi cette petite infection désagréable, et j’en suis encore étonnée.
We also discover small advantages with confinement: I became aware of having (small) knowledge to treat myself: I managed to get rid of a beginning of dental abscess using essential oils and clay. Then I got a cold, and knowing that I was going to spend days getting harder to breathe put me under serious stress. But vigorous treatment also stopped this unpleasant little infection, and I’m still amazed.

Une autre fois, je suis allée acheter une bouteille de gaz : respectant les consignes de distance, et les demandes du magasin, je l’ai portée moi-même sur quelques mètres pour la mettre dans la voiture, et j’ai bien cru m’être fait une déchirure musculaire… Il faut dire que je n’ai pas de force dans les bras : cet effort assez violent a eu des suites très désagréables. Pendant la première nuit, je n’ai trouvé aucune position confortable… et je n’ai presque pas dormi. Un anti-inflammatoire par-ci, un massage (merci à Paul) par là n’ont pas changé grand-chose, mais heureusement c’est rentré dans l’ordre avec une semaine de repos.
Another day, I went to buy a gas bottle: respecting the distance instructions, and the requests of the store, I carried it myself for a few meters to put it in the car, and I really thought having made a muscle tear … It must be said that I have no strength in my arms: this fairly violent effort had very unpleasant consequences. During the first night, I did not find any comfortable position … and I hardly slept. An anti-inflammatory here, a massage (thanks to Paul) there didn’t change much, but luckily it got back on track with a week of rest.

Je n’ai pas l’habitude de venir me plaindre de ces désagréments, j’en parle toujours en lien avec le confinement qui provoque des changements de nos comportements.
I am not used to coming to complain about these annoyances, I only talk about them in connection with the confinement that causes changes in our behavior.

Cependant, ici, le temps continue de couler à son rythme tranquille sous un ciel le plus souvent bleu, et une chaleur supérieure aux moyennes saisonnières.
However, here, time continues to flow at its leisurely pace under an often blue sky, and heat above seasonal averages.

Si je vous raconte notre existence au Charbinat, j’ai l’impression que vous allez mourir d’ennui, avec la répétition des activités du jardin : semer, sarcler, désherber, arroser, récolter…
If I tell you about our existence at Charbinat, I feel that you will die of boredom, with the repetition of the activities of the garden: sowing, weeding, watering, harvesting …

Je vais de-ci de-là, avec mon outillage dans une brouette pour ne manquer de rien. En passant devant le cognassier, je vois une armée de chenilles en train de le boulotter. Si je coupais la feuille envahie, je détruirais d’un seul coup toute l’invasion : je préfère surveiller le travail des chenilles, en espérant que les oiseaux viendront s’en occuper. Et même s’ils ne viennent pas, si l’arbre ne souffre pas trop, je n’interviendrai pas, dans l’espoir que quelques papillons écloront dans quelques jours.
I go from here to there, with my tools in a wheelbarrow so as not to miss anything. Passing the quince, I see an army of caterpillars working on it. If I cut the overgrown leaf, I would destroy the whole invasion at once: I prefer to monitor the work of the caterpillars, hoping that the birds will come to take care of them. And even if they do not come, if the tree does not suffer too much, I will not intervene, in the hope that some butterflies will hatch in a few days.

L’arbre de Judée — il y en a deux dans le parc, un « sauvage », récolté par mon père je ne sais où, un autre acheté en pépinière : ce dernier était couvert l’an dernier de cochenilles. Ou de je ne sais quoi… Nouvelle invasion non identifiée cette année. Une photo avec objectif macro et agrandie au maximum sur l’écran montre de drôles de minuscules chenilles… Paul réussit à identifier des Cacopsylla pulchella, moi j’ai cherché en vain.
The Judas tree – there are two in the park, a « wild » one, harvested by my father I don’t know where, another bought in the nursery: the latter was covered last year with mealybugs. Or I don’t know what … New unidentified invasion this year. A photo with macro lens and enlarged to the maximum on the screen shows strange tiny caterpillars … Paul succeeds in identifying Cacopsylla pulchella, I searched in vain.

Samedi - Saturday


Dimanche - Sunday

Notre rhubarbe est opulente, les arrosages de Jean-Pierre et de Paul lui font le plus grand bien, et j’ai déjà fait deux récoltes que j’ai transformées en compote. Pour les feuilles toxiques, j’ai préparé le fameux purin de rhubarbe, une infusion, réputée répulsive pour les limaces et insecticide, mais les sales bêtes en rigolent encore.
Our rhubarb is opulent, the watering of Jean-Pierre and Paul makes it the greatest good, and I have already made two harvests which I have transformed into compote. I prepared the famous « rhubarb manure », with the toxic leaves: an infusion, reputed repellent for slugs and insecticide, but the dirty beasts still laugh.

J’ai donc pulvérisé une préparation à base de pyrèthre, vite avant la pluie qui s’annonce pour bientôt, j’espère sauver l’arbre de Judée qui n’est pas au mieux de sa forme.
So I sprayed a preparation with pyrethrum, soon before the rain – if it comes! I hope to save the poor unhealthy Judas tree.



Une belle surprise : Angelo et Lauriane (père et fille) dédient le merveilleux bolero « Silencio » à toutes celles et ceux qui souffrent de l’absence des êtres qui leur sont chers…
A nice surprise: Angelo and Lauriane (father and daughter) dedicate the wonderful bolero « Silencio » to all those who suffer from the absence of their loved ones …



Et pour conclure cette chronique un peu décousue, je soumets à votre réflexion un autre passage du livre cité plus haut de Paolo Rumiz :
« Écoute. Il n’y a que les fous pour croire encore que la politique part de la base. Nous vivons dans une oligarchie totalitaire où la démocratie n’a aucune part. On ne vote plus : on se contente de coopter ce qui a été décidé par un petit nombre. »

And to conclude this somewhat disjointed chronicle, I submit for your consideration another passage from the book cited above by Paolo Rumiz:
« Listen. There are only crazy people who still believe that politics starts from the bottom. We live in a totalitarian oligarchy where democracy has no part. We no longer vote: we just co-opt what has been decided by a small number. »

6 réflexions sur « Sans queue ni tête »

    • Merci Nathalie, et tant mieux si mes photos font du bien. Sais-tu que j’ai pensé à vous deux en publiant le lien vers « Silencio » chanté par Lauriane et Angelo ? L’as-tu écouté ?

  1. Merci pour tes chroniques que je lis régulièrement. Personnellement, le déroulement de la vie au Charbinat ne me paraît pas du tout répétitif et lassant, mais tout à fait attractif.
    Et j’ai aussi beaucoup apprécié la chanson des Goguettes, que j’avais déjà vu passer.

    • Merci François, je suis contente de ne pas être lassante. Car le quotidien ici, c’est répétitif, et j’essaie en effet de sortir de la liste des « on a fait ceci puis cela puis ceci puis cela… »
      Et le quotidien pendant le confinement a beaucoup de ressemblances avec les autres quotidiens sans confinement. Le jardin nous attache solidement au lieu !

  2. Merci pour cette nouvelle chronique. Toujours de belles photos, j’aime bien celle des nouvelles pousses du pin.
    Je partage l’idée qu’il faut rigoler, ça fait du bien, sinon on ne va pas s’en sortir moralement.
    Et oui Silencio est une belle chanson, mélodieuse et mélancolique.

    • Eh bien, j’ai fait bien entendu plusieurs photos des pousses du pin, et l’une d’elles ressemble à un livre ouvert : les aiguilles figurent des pages régulièrement espacées. Je ne l’ai pas publiée… j’aurais peut-être dû !

      Tant que ça va bien, et c’est le cas de la majorité des gens, il faut rigoler, même se forcer un peu quand on n’en a pas le goût. C’est facile de sombrer !

      Je suis contente que ce Silencio te plaise, par lui-même, et par le lien symbolique qu’il crée.

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