Au Japon — Ici


Je suis née moins de sept ans après les deux déflagrations qui ont fait glisser encore un peu plus l’espèce humaine vers la barbarie. Aussi loin que je me rappelle, les mots « bombe atomique » faisaient partie de mon vocabulaire d’enfant : sans doute s’agissait-il pour moi d’une très grosse bombe. Je savais vaguement qu’il y avait eu une guerre, mes parents l’avaient connue, mais cela se passait tellement, tellement loin, bien avant ma naissance…

I was born less than seven years after the two explosions which dragged the human race even further into barbarism. As far as I can remember, the words « atomic bom » were part of my childhood vocabulary: I think it was a very big bomb to me. I vaguely knew there had been a war, my parents had known it, but it happened so, so far away, long before I was born …

Tsutomu Yamaguchi se trouvait à Hiroshima le 6 août 1945, et à Nagasaki le 9 août : encore une fois je ne connais pas de mot dans le domaine de l’horreur pour évoquer ce qu’il a ressenti. Le malheureux était présent lors du largage des deux bombes atomiques, celles dont on se demande encore aujourd’hui si elles avaient réellement aidé à faire capituler le Japon, déjà à genoux. Alors qu’il avait des brûlures, l’ouïe et la vue affectées par la première explosion, Tsutomu Yamaguchi était retourné chez lui, à Nagasaki — terrible rendez-vous. En découvrant ce destin tragique, on se demande s’il a eu de la chance ou s’il en a singulièrement manqué.
Tsutomu Yamaguchi was in Hiroshima on August 6, 1945, and in Nagasaki on August 9: again I do not know a word in the field of horror to evoke what he felt. The unfortunate man was present during the dropping of the two atomic bombs, those which we still wonder today if they had really helped to make Japan capitulate, already on its knees. With burns, hearing and eyesight affected by the first explosion, Tsutomu Yamaguchi returned to his home in Nagasaki — a terrible date. Discovering this tragic fate, one wonders if he was lucky or if he was singularly unlucky.

Arte lui a consacré un reportage.
Arte devoted a report to him.

Tsutomu Yamaguchi est resté un demi-siècle muré dans son silence, puis il s’est mis à raconter, raconter inlassablement l’insoutenable, témoignant contre la folie des hommes.
Tsutomu Yamaguchi remained half a century walled in his silence, then he began to recount, tirelessly recount the unbearable, testifying against the madness of men.

Les hibakusha sont des personne affectées par la bombe ou, plus récemment des personnes affectées par l’exposition, nous dit Wikipédia. “Hibakusha est un emprunt linguistique d’origine japonaise qui désigne généralement les victimes des bombardements atomiques d’Hiroshima et Nagasaki les 6 et 9 août 1945 sous les ordres de Harry S. Truman.”
Hibakusha are people affected by the bomb, or more recently people affected by exposure, Wikipedia tells us. “Hibakusha is a language loan of Japanese origin that generally refers to the victims of the atomic bombings of Hiroshima and Nagasaki on August 6 and 9, 1945 under the orders of Harry S. Truman.”

Parmi eux, nombreux sont ceux qui ont consacré leur vie à la lutte contre le nucléaire sous toutes ses formes.
« Outre la grande précarité physique, médicale et financière, les hibakusha ont été victimes de fortes discriminations » nous dit encore Wikipédia. Ils étaient suspects d’être porteurs de maladies inconnues, mystérieuses, contagieuses peut-être. Leur vie a été détruite ce 6 août ou ce 9 août. Ils étaient les nouveaux pestiférés.
Among them, many are those who have dedicated their lives to the fight against nuclear power in all its forms.
« In addition to the great physical, medical and financial precariousness, the hibakusha have been victims of strong discrimination, » Wikipedia also tells us. They were suspected of being carriers of unknown, mysterious, perhaps contagious diseases. Their lives were destroyed on August 6 or August 9. They were the new plague victims.

De son côté, Kenzaburo Oé a beaucoup œuvré, et il œuvre encore contre le nucléaire.
For his part, Kenzaburo Oé has done a lot, and he still works against nuclear power.

« Comme les tremblements de terre, les tsunamis et d’autres calamités naturelles, l’expérience d’Hiroshima doit être gravée dans la mémoire humaine: c’était une catastrophe encore plus dramatique que ces catastrophes naturelles précisément parce qu’elle était d’origine humaine. Répéter l’erreur en exhibant, à travers la construction de réacteurs nucléaires, le même manque de respect pour la vie humaine est la pire trahison possible de la mémoire des victimes d’Hiroshima. » Kenzaburo Oé
« Like earthquakes, tsunamis, and other natural calamities, the experience of Hiroshima should be etched into human memory: it was even more dramatic a catastrophe than those natural disasters precisely because it was man-made. To repeat the error by exhibiting, through the construction of nuclear reactors, the same disrespect for human life is the worst possible betrayal of the memory of Hiroshima’s victims. » Kenzaburo Oé

Ces mots remarquables sont la conclusion d’une interview de 2011 que vous pouvez lire ici en anglais, ou que Google vous traduira très bien en français.
These remarkable words are the conclusion of a 2011 interview which you can read here in English, or which Google will translate for you very well in French.

Une autre interview de 2015 dans Télérama a été mise à jour le 15 juillet 2020, à lire ici.
« Nous vivons une période très difficile qui fait honte au Japon. Tout est conçu pour arroser d’eau froide les militants antinucléaires. »

Another interview in Télérama year 2015 was updated on July 15, 2020, to be read here.
« We are living through a very difficult period which shames Japan. Everything is designed to spray anti-nuclear activists with cold water.

Un de ses livres, « notes de Hiroshima », n’est pas un roman. L’auteur s’est rendu à Hiroshima à l’occasion de la Neuvième conférence contre les armes nucléaires. La prise de conscience qu’il fait là-bas va déterminer la suite de son œuvre, son soutien indéfectible aux grands oubliés de l’histoire, victimes passées présentes et à venir.
One of his books, « notes de Hiroshima », is not a novel. The author visited Hiroshima for the Ninth Conference Against Nuclear Weapons. His awareness there will determine the rest of his work, his unwavering support for the great forgotten people of history, victims of the past, present and future.

Kenzaburo Oé a également consacré une grande partie de son œuvre à son fils, Hikari Oé, handicapé mental et musicien (compositeur). Les parents d’Hikari ne pouvaient pas communiquer avec leur fils jusqu’à ce que la musique le leur permette.
Kenzaburo Oé also devoted a large part of his work to his son, Hikari Oé, mentally handicapped and musician (composer). Hikari’s parents could not communicate with their son until the music allowed them to.

Vous pouvez écouter Hikari Oé
You can listen to Hikari Oé

J’ai préféré parler de ces tragédies avec du retard sur la date anniversaire plutôt que de ne pas en parler du tout.
I preferred to talk about these tragedies behind the anniversary date rather than not talk about them at all.

 

Comme toujours, l’enchaînement avec notre vie paisible ne va pas être facile.
As always, connecting with our peaceful life is not going to be easy.

Ici, les poissons continuent de mener leur existence pépère de poissons dans le bassin où je les nourris deux fois par jour. Inquiète de les voir chercher de l’air, j’ai installé dans le bassin une pompe et les voilà contents.
Here, the fish continue to lead their cushy fishy existence in the basin where I feed them twice a day. Worried to see them looking for air, I installed a pump in the basin and they are happy.

Comme les autres années, nous avions des rendez-vous par HelpX ou Workaway, mais le confinement avait tout arrêté. Cependant, nous sommes restés en contact avec Julie.
Like the other years, we had appointments by HelpX or Workaway, but the confinement had stopped everything. However, we kept in touch with Julie.

Et finalement, elle vient avec sa fille Zoé découvrir les joies du désherbage, des récoltes et des compotes de fruits.
And finally, she comes with her daughter Zoé to discover the joys of weeding, harvests and fruit compotes.

Julie est russe, son mari américain, et la famille vit en Allemagne : ils parlent donc anglais et allemand, mais aussi russe, pour ne pas oublier. Moi j’aime les écouter parler, la langue russe est une si belle musique !
Julie is Russian, her husband American, and the family lives in Germany: so they  speak English and German, but also Russian, so as not to forget. I like to listen to them talk, the Russian language is such a beautiful music!

Nous avons toujours beaucoup à faire : un après-midi, Paul accompagne Julie et Zoé pour visiter Crémieu, mais les autres jours elles se baladent sans nous. Pleines d’énergie, elles vont à pied à Passins, et font plusieurs balades en vélo.
We always have a lot to do: one afternoon, Paul accompanies Julie and Zoé to visit Crémieu, but the other days they go for a walk without us. Full of energy, they go on foot to Passins, and take several bike rides.

La plus longue leur fait découvrir la région, Zoé semble épuisée après soixante kilomètres ! Mais le lendemain, elles ont une occasion pour passer la journée à Grenoble, profitant de la voiture de Jean-Paul, et elles marchent pendant des heures.
The longest takes them to discover the region, Zoé seems exhausted after sixty kilometers! But the next day, they have an opportunity to spend the day in Grenoble, enjoying Jean-Paul’s car, and they walk for hours.

Au jardin, cette année il y a des fruits à ne plus savoir qu’en faire… Nous avons eu la visite d’Olivier qui est reparti avec des cagettes de pommes et de prunes, et qui nous a envoyé la photo des tartes qu’il a faites avec ces fruits. Ici, Julie et Zoé trient des pommes pour la compote mais aussi pour les déshydrater.
In the garden, this year there are fruits that you don’t know what to do with … We had a visit from Olivier who left with crates of apples and plums, and who sent us the photo of the pies he made with these fruits. Here, Julie and Zoé sort apples for the compote but also to dehydrate them.

Elles désherbent deux massifs de fleurs abandonnés depuis longtemps. Cela permet à Paul de faire un long arrosage car c’est de nouveau la sécheresse.
They weed two long abandoned flower beds. This allows Paul to do a long watering as it’s drought again.

Je ne dois pas oublier l’excellent gâteau, aux pommes bien entendu, et les travaux de peinture ici ou là.
I must not forget the excellent cake, with apples of course, and the paint jobs here and there.

Grimpée sur l’échelle, Zoé se fait un plaisir de faire tomber les prunes sur sa mère ; la récolte est encore une fois très abondante.
Climbing up the ladder, Zoé is happy to drop the plums on her mother; the harvest is once again very bountiful.


Tenir un blog est parfois difficile : bien sûr, les statistiques de lecture me rappellent que des personnes, je ne sais pas qui, me lisent régulièrement. Parfois un commentaire, pour Jérôme c’est devenu très régulier. Les autres, vous n’éprouvez pas le besoin de réagir, lire vous suffit, je le comprends.
Blogging can be difficult sometimes: of course the reading statistics remind me that people, I don’t know who, read me regularly. Sometimes a comment, for Jérôme it became very regular. The others, you don’t feel the need to react, reading is enough for you, I understand that.

Mais quand Yves vient nous faire une visite si plaisante, je suis vivement encouragée, rencontrer quelqu’un en vrai, c’est quand même autre chose ! Yves a des projets de rencontres, lui aussi, un peu comme nos « kalyneries paulifauniques ». Des rencontres-débats ? Cela me rappelle Annabelle et Arnaud et leur souhait, si ma mémoire est bonne, de soirées lecture. Tant de projets sont possibles. Ces suggestions me motivent puissamment, j’ai vraiment envie de voir certains projets se réaliser.
But when Yves comes to pay us such a pleasant visit, I am very encouraged, meeting someone in real life is something else after all! Yves also has plans for meetings, a bit like our « kalyneries paulifauniques ». Meetings-debates? It reminds me of Annabelle and Arnaud and their wish, if memory serves, for reading evenings. So many projects are possible. These suggestions motivate me strongly, I really want to see certain projects come true.

D’autant plus que le confinement a détruit le lien social pour de trop nombreuses personnes. Il faut ré-inventer notre relation aux autres.
Especially since the confinement has destroyed the social link for too many people. We have to re-invent our relationship with others.

Je souhaite longue vie à tes projets, à tes rêves, Yves. Reviens nous voir quand tu veux, il y a tant à dire et tant à faire !
I wish long life to your projects, your dreams, Yves. Come back and see us whenever you want, there is so much to say and so much to do!

Encore en vadrouille en fin de semaine, je ne sais quand sera postée ma chronique suivante.
Still on the move at the end of the week, I don’t know when my next column will be posted.

6 réflexions sur « Au Japon — Ici »

  1. J’ai visité Hiroshima il y a 25 ans. Je me souviens avoir ressenti une forme de sidération en sortant de la gare: j’avais devant moi une ville bouillonante de vie et d’activités et je n’arrivais pas à m’imaginer que, 50 ans auparavant, il n’en restait rien.

    Le musée de la bombe (je crois qu’il s’appelle le musée de la paix, en fait) était aussi une expérience très intense.

    Voilà un commentaire occasionnel d’un lecteur régulier 😉

    • Je me rappelle en effet que tu as séjourné longuement au Japon à l’époque… Moi non, mais en me baladant, ne serait-ce que sur google-map, j’ai pu étudier de près les lieux. La photo que je publie en début de chronique offre un contraste terrible avec l’état contemporain de la ville.

      Les hibakusha ne sont pas tous militants, certains ont toujours préféré rester discrets. Parler peut réveiller la douleur au lieu de soulager, et certains choisissent de fuir ce souvenir insensé. La ville est sans doute à cette image.

      Je ressens cela d’autant plus facilement que je constate comment nous, ex-confinés, nous éprouvons plus ou moins consciemment le désir d’oublier la pandémie, de rechercher frénétiquement à faire comme si rien n’avait changé – tiens, mais pourquoi les gens portent-ils des masques ?

      Merci, ami-lecteur-régulier pour ce commentaire occasionnel !

    • La vie, plus forte que tout ?
      Le temps finit par effacer les plus effroyables destructions ou cataclysmes. C’est un gingko biloba qui a été le premier arbre à repousser à Hiroshima.
      Cet été je me suis promené sur la colline de la Colle Noire (Var), dévastée par les flammes il y a environ 20 ans et je vois que le paysage lunaire s’est transformé en jeune pinède vigoureuse.

      Sinon les tartes sont bien appétissantes !!!

      • “La vie plus forte que tout ?” dis-tu.

        On m’a toujours dit que le plus fort gagne, maintenant plutôt que de concurrence on parle de coopération parmi les arbres, d’une espèce d’entité dont les arbres ne seraient que des fragments… Dans tous les cas, la vie l’emporte, comme ceci ou comme cela : des espèces disparaissent, d’autres font leur apparition.

        Au Québec, nous sommes passés sur les lieux d’un incendie qui avait eu lieu je crois cinquante ans plus tôt, et les arbres tombés étaient comme fossilisés, toujours pas décomposés, car nous étions déjà dans une région au climat très rigoureux. Alors tout était plus lent que ce que tu as pu constater sur la colline de la Colle Noire.

        Les tartes dis-tu ? Il n’y a qu’un gâteau, mais il y a aussi des plateaux pour le déshydrateur à pommes… Mais ces petits quartiers de pommes soigneusement agencés mettent l’eau à la bouche en effet !

          • C’est bien imité, les quartiers de pommes sont posés sur le plateau du déshydrateur. Je t’envoie la photo par mail, en plus grand si j’y arrive, tu verras mieux…
            😉

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